« Et voilà cette fameuse liberté humaine que tous se vantent d’avoir ! Elle consiste uniquement dans le fait que les hommes sont conscients de leurs appétits (désirs) et ignorants des causes par lesquelles ils sont déterminés. C’est ainsi que le bébé croit librement appéter (désirer) le lait, que l’enfant en colère croit vouloir la vengeance, et le peureux, la fuite. Et puis l’homme ivre croit que c’est par un libre décret de l’esprit qu’il dit des choses qu’il voudrait avoir tues, une fois dégrisé. C’est ainsi que le fou, le bavard et beaucoup d’autres de cette farine (du même genre) croient qu’ils agissent par un libre décret de l’esprit, et non qu’ils sont emportés par une impulsion ! Parce que ce préjugé est inné chez tous les hommes, ils ne s’en libèrent pas si facilement. L’expérience l’enseigne plus qu’assez, rien n’est moins au pouvoir des hommes que de modérer leurs appétits. Souvent, quand des affects contraires s’affrontent, ils voient le meilleur et ils font le pire. Mais, en dépit de cela, ils se croient libres ! »

SPINOZA, Correspondance, Lettre 58 à Schuller (1674)

« On pense en effet que l’esclave est celui qui agit par commandement et l’homme libre celui qui agit selon son caprice. Cela cependant n’est pas absolument vrai ; car en réalité, celui qui est captif de son plaisir, incapable de voir et de faire ce qui lui est utile, est le plus grand des esclaves, et seul est libre celui qui vit, de toute son âme, sous la seule conduite de la raison. »

SPINOZA, Traité théologico-politique (1670)