L’abjection consiste à penser de soi moins de bien qu’il ne faut sous l’impression de la tristesse.

Explication

Nous opposons d’ordinaire l’humilité à l’orgueil ; c’est qu’alors nous avons plus d’égard aux effets de ces deux passions qu’à leur nature. Nous appelons orgueilleux, en effet, celui qui se glorifie à l’excès (voir le Scol. de la Propos. 30), qui ne parle de soi que pour exalter sa vertu et des autres que pour dire leurs vices, qui veut être mis au-dessus de tous, enfin qui prend la démarche et étale la magnificence des personnes placées fort au dessus de lui. Nous appelons humble, au contraire, celui qui rougit souvent, qui convient de ses défauts et célèbre les vertus des autres, qui se met au-dessous de tout le monde, celui enfin dont la démarche est modeste et la mise sans aucun ornement. Du reste, ces deux passions de l’abjection et de l’humilité sont extrêmement rares : car la nature humaine, considérée en elle-même, fait effort, en tant qu’il est en elle, contre de telles passions (voyez les Propos. 13 et 54) ; et c’est pour cela que les hommes qui passent pour les plus humbles sont la plupart du temps les plus ambitieux et les plus envieux de tous.