Celui qui commence de prendre en haine l’objet aimé, de façon que son amour en soit bientôt complètement éteint, s’il vient d’avoir contre lui un motif de haine, il ressentira une haine plus grande que s’il ne l’eût jamais aimé ; et, plus grand a été l’amour, plus grande sera la haine.

Démonstration

Dans l’âme de celui qui prend en haine l’objet jusqu’alors aimé, il y a plus d’appétits dont le développement est empêché, que s’il ne l’eût jamais aimé. Car l’amour est un sentiment de joie (par le Scol. de la Propos. 13) que l’homme, autant qu’il est en lui, s’efforce de conserver (par la Propos. 28) ; et cela (par le Scol. déjà cité) en contemplant l’objet aimé comme présent, et lui procurant de la joie autant qu’il est possible (par la Propos. 21) ; et cet effort est d’autant plus grand (par la Propos. précéd.), ainsi que cet autre effort que nous faisons (voy. la Propos. 33) pour que l’objet aimé nous aime à son tour, que l’amour est plus grand lui-même. Or, tous ces efforts seront empêchés par la haine qui nous anime contre l’objet aimé, (par le Corollaire de la Propos. 13, et par la Propos. 23). Donc l’amant (par le Scol. de la Propos. 11) sera par cette raison saisi de tristesse, et cette tristesse sera d’autant plus grande que plus grand était l’amour ; en d’autres termes, outre la tristesse qui a produit notre haine pour l’objet aimé, il y en a une autre qui naît de l’amour qu’il nous a inspiré ; de telle façon que nous regarderons l’objet aimé avec une tristesse plus grande, ou, en d’autres termes (par le Scol. de la Propos. 13), que nous éprouverons pour lui plus de haine que si nous ne l’eussions jamais aimé ; et plus grand aura été notre amour, plus grande sera la haine. C. Q. F. D.