Ce qu’on appelle vaine gloire, c’est cette espèce de paix intérieure qui n’est entretenue que par l’opinion du vulgaire, de sorte que, cette opinion venant à disparaître, la paix intérieure, en d’autres termes (par le Scol. de la Propos. 52), le souverain bien que chacun aime, disparaît avec elle. Il suit de là que celui qui se fait gloire de l’opinion du vulgaire fait sans cesse effort et s’épuise en inquiétudes de chaque jour pour conserver sa réputation. Le vulgaire, en effet, est changeant et plein d’inconstance, et toute réputation qui ne se maintient pas périt à l’instant. Or, comme tous les glorieux désirent les applaudissements du vulgaire, il est facile à chacun de diminuer la réputation d’un autre, et de cette rivalité qui les anime pour la possession de ce qu’ils croient le souverain bien, naît un désir si violent de s’abaisser l’un l’autre que le vainqueur dans cette lutte est plus glorieux d’avoir nui à ses rivaux que de s’être servi lui-même. Cette gloire, cette paix intérieure, sont donc choses vaines et n’ont aucun fond réel.

Les remarques que je pourrais faire ici sur la honte peuvent se conclure aisément de ce qui a été dit touchant la pitié et le repentir. Je me borne à ajouter que la honte, de même que la commisération, bien qu’elle ne soit pas une vertu, est bonne toutefois, en tant qu’elle marque dans celui qui l’éprouve un désir réel de vivre dans l’honnêteté ; et c’est encore ainsi que la douleur est bonne, en tant qu’elle est une preuve que la partie malade n’est point encore en putréfaction. Ainsi donc, bien qu’un homme qui a honte de quelque action soit par là même dans la tristesse, il est dans un état de perfection plus grand que l’impudent qui n’a aucun désir de bien vivre.

Tels sont les principes que j’avais entrepris d’établir touchant les passions qui dérivent de la joie ou de la tristesse. Quant aux désirs, les uns sont bons, les autres mauvais, suivant qu’ils proviennent de bonnes ou de mauvaises passions. Mais tous ceux qui se forment en nous sous l’influence d’affections passives sont des désirs aveugles.(comme il est aisé de le déduire de ce qui a été dit dans le Scol. de la Propos. 44), et ils ne seraient d’aucun usage, si les hommes pouvaient être aisément amenés à vivre sous la conduite de la seule raison. C’est ce que je vais montrer en peu de mots.