Espace philo des T8

TD1 - Hume - "la règle du goût"

« Bien qu’il y ait naturellement une large différence, du point de vue de la délicatesse, entre une personne et une autre personne, rien ne tend davantage à accroître et améliorer ce talent que la pratique d’un art particulier et le fréquent examen, la fréquente contemplation d’une espèce particulière de beauté. Quand un genre d’objets se présente au regard ou à l’imagination pour la première fois, le sentiment qui les accompagne est obscur et confus et l’esprit, dans une large mesure, est incapable de déclarer leurs mérites et leurs défauts. Le goût n’est pas capable de percevoir les différentes excellences de la réalisation, encore moins de distinguer le caractère particulier de chaque excellence et de déterminer sa qualité et son degré. Qu’on déclare que l’ensemble, en général, est beau ou laid, c’est tout ce que l’on peut attendre et même ce jugement, une personne ayant si peu la pratique de l’objet ne pourra le donner qu’avec une grande hésitation et une grande réserve. Mais laissez-le acquérir l’expérience de ces objets. Son sentiment devient plus précis et plus subtil, il perçoit non seulement les beautés et les défauts de chaque partie mais il remarque aussi ce qui distingue spécialement chaque qualité et lui assigne l’éloge ou le blâme qui convient. Un sentiment clair et distinct l’accompagne pendant tout l’examen des objets et il discerne le degré même et le genre d’approbation ou de déplaisir que chaque partie est susceptible de produire naturellement. Le brouillard qui semblait d’abord envelopper l’objet se dissipe (…). En un mot, l’adresse et la dextérité que la pratique donne quand on exécute une œuvre s’acquiert aussi, de la même façon, quand on la juge. »

D.HUME, « De la règle du goût »