EIII - Proposition 27

  • 11 mai 2004

Si nous imaginons qu’une chose semblable à nous et à l’égard de laquelle nous n’éprouvons d’affection d’aucune sorte éprouve quelque affection, nous éprouvons par cela même une affection semblable.

DÉMONSTRATION

Les images des choses sont des affections du Corps humain dont les idées nous représentent les corps extérieurs comme nous étant présents (Scolie de la Prop. 17, p. II), c’est-à-dire (Prop. 16, p. II) dont les idées enveloppent la nature de notre Corps et en même temps la nature présente d’un corps extérieur. Si donc la nature d’un corps extérieur est semblable à celle de notre Corps, l’idée du corps extérieur que nous imaginons, enveloppera une affection de notre Corps semblable à celle du corps extérieur ; et, conséquemment, si nous imaginons quelqu’un de semblable à nous affecté de quelque affection, cette imagination enveloppera une affection semblable de notre Corps. Par cela même donc que nous imaginons qu’une chose semblable à nous éprouve quelque affection, nous éprouvons une affection semblable à la sienne. Que si, au contraire, nous avions en haine une chose semblable à nous, nous éprouverions (Prop. 23) dans la mesure de notre haine une affection contraire et non semblable à la sienne. C.Q.F.D. [*]


Ex eo quod rem nobis similem et quam nullo affectu prosecuti sumus, aliquo affectu affici imaginamur, eo ipso simili affectu afficimur.

DEMONSTRATIO :

Rerum imagines sunt corporis humani affectiones quarum ideæ corpora externa veluti nobis præsentia repræsentant (per scholium propositionis 17 partis II) hoc est (per propositionem 16 partis II) quarum ideæ naturam nostri corporis et simul præsentem externi corporis naturam involvunt. Si igitur corporis externi natura similis sit naturæ nostri corporis, tum idea corporis externi quod imaginamur affectionem nostri corporis involvet similem affectioni corporis externi et consequenter si aliquem nobis similem aliquo affectu affectum imaginamur, hæc imaginatio affectionem nostri corporis huic affectui similem exprimet adeoque ex hoc quod rem aliquam nobis similem aliquo affectu affici imaginamur, simili cum ipsa affectu afficimur. Quod si rem nobis similem odio habeamus, eatenus (per propositionem 23 hujus) contrario affectu cum ipsa afficiemur, non autem simili. Q.E.D.


[*(Saisset :) Par cela seul que nous nous représentons un objet qui nous est semblable comme affecté d’une certaine passion, bien que cet objet ne nous en ait jamais fait éprouver aucune autre, nous ressentons une passion semblable a la sienne. Démonstration Les images des choses, ce sont les affections du corps humain dont les idées nous représentent les corps extérieurs comme nous étant présents (par le Scol. de la Propos. 17, partie 2), en d’autres termes (par la Propos. 16, partie 2), dont les idées enveloppent à la fois la nature de notre corps et la nature présente du corps extérieur. Si donc la nature du corps extérieur est semblable à la nature de notre corps, alors l’idée du corps extérieur que nous imaginons enveloppera une affection de notre corps, semblable à l’affection du corps extérieur, et en conséquence, si nous nous représentons un objet qui nous est semblable comme affecté d’une certaine passion, cette représentation exprimera une affection semblable de notre corps ; et par suite, de cela seul que nous nous représenterons un objet qui nous est semblable comme affecté d’une certaine passion, nous éprouverons une passion semblable à la sienne. Que si nous haïssons cet objet qui nous est semblable, en tant que nous le haïssons, nous serons affectés (par la Propos. 23) d’une passion contraire à la sienne, et non pas semblable. C. Q. F. D.

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