EIV - Proposition 37

  • 16 juin 2004

Le bien qu’appète pour lui-même quiconque est un suivant de la vertu, il le désirera aussi pour les autres hommes, et cela d’autant plus qu’il aura acquis une connaissance plus grande de Dieu.

DÉMONSTRATION

Les hommes, en tant qu’ils vivent sous la conduite de la Raison, sont ce qu’il y a de plus utile à l’homme (Coroll. 1 de la Prop. 35) ; et ainsi (Prop. 19) nous nous efforcerons, sous la conduite de la Raison, de faire que les hommes vivent sous la conduite de la Raison. Mais le bien qu’appète pour lui-même quiconque vit sous le commandement de la Raison, c’est-à-dire (Prop. 24) est un suivant de la vertu, c’est connaître (Prop. 26) ; donc le bien que quiconque est un suivant de la vertu appète pour lui-même, il le désirera aussi pour les autres hommes. De plus, ce Désir, en tant qu’il se rapporte à l’Âme, est l’essence même de l’Âme (Déf. 1 des Aff.) ; or, l’essence de l’Âme consiste dans une connaissance (Prop. 11, p. II) qui enveloppe celle de Dieu (Prop. 47, p. II) et ne peut sans elle (Prop. 15, p. I) ni être ni être conçue. Par suite, plus grande est la connaissance de Dieu qu’enveloppe l’essence de l’Âme, plus grand aussi sera le Désir dont le suivant de la vertu désire pour autrui le bien qu’il appète pour lui-même. C.Q.F.D.

AUTRE DÉMONSTRATION

Le bien que l’homme appète pour lui-même et aime, il l’aimera de façon plus constante s’il voit que d’autres l’aiment (Prop. 31, p. III) ; il fera donc effort (Coroll. de la même Prop.) pour que les autres l’aiment ; et, puisque ce bien (Prop. préc.) est commun à tous et que tous peuvent s’en épanouir pareillement, il fera donc effort (pour la même raison) pour que tous en tirent de la joie et d’autant plus (Prop. 37, p. III) qu’il jouira davantage de ce bien. C.Q.F.D. [*]


Bonum quod unusquisque qui sectatur virtutem, sibi appetit, reliquis hominibus etiam cupiet et eo magis quo majorem Dei habuerit cognitionem.

DEMONSTRATIO :

Homines quatenus ex ductu rationis vivunt, sunt homini utilissimi (per corollarium I propositionis 35 hujus) atque adeo (per propositionem 19 hujus) ex ductu rationis conabimur necessario efficere ut homines ex ductu rationis vivant. At bonum quod unusquisque qui ex rationis dictamine vivit hoc est (per propositionem 24 hujus) qui virtutem sectatur, sibi appetit, est intelligere (per propositionem 26 hujus) ; ergo bonum quod unusquisque qui virtutem sectatur, sibi appetit, reliquis hominibus etiam cupiet. Deinde cupiditas quatenus ad mentem refertur, est ipsa mentis essentia (per 1 affectuum definitionem) ; mentis autem essentia in cognitione consistit (per propositionem 11 partis II) quæ Dei cognitionem involvit (per propositionem 47 partis II) et sine qua (per propositionem 15 partis I) nec esse nec concipi potest adeoque quo mentis essentia majorem Dei cognitionem involvit, eo cupiditas qua is qui virtutem sectatur, bonum quod sibi appetit, alteri cupit, etiam major erit. Q.E.D.

ALITER :

Bonum quod homo sibi appetit et amat, constantius amabit si viderit alios idem amare (per propositionem 31 partis III) atque adeo (per corollarium ejusdem propositionis) conabitur ut reliqui idem ament et quia hoc bonum (per propositionem præcedentem) omnibus commune est eoque omnes gaudere possunt, conabitur ergo (per eandem rationem) ut omnes eodem gaudeant et (per propositionem 37 partis III) eo magis quo hoc bono magis fruetur. Q.E.D.


[*(Saisset :) Le bien que désire pour lui-même tout homme qui pratique la vertu, il le désirera également pour les autres hommes, et avec d’autant plus de force qu’il aura une plus grande connaissance de Dieu. Démonstration Les hommes, en tant qu’ils vivent sous la conduite de la raison, sont très utiles l’un à l’autre (par le Coroll. 1 de la Propos. 35), et conséquemment (par la Propos. 19) la raison nous déterminera nécessairement à faire que les hommes vivent sous la conduite de la raison. Or le bien que désire pour lui-même celui qui vit suivant la raison, c’est-à-dire (par la Propos. 24) celui qui pratique la vertu, c’est de comprendre (par la Propos. 26). Donc ce même bien qu’il désire pour lui-même, il le désirera aussi pour les autres hommes. En outre, le désir, en tant qu’il se rapporte à l’âme, est l’essence même de l’âme (par la Déf. 1 des pass.) ; or, l’essence de l’âme consiste dans la connaissance (par la Propos. 11, part. 2), laquelle enveloppe la connaissance de Dieu (par la Propos. 47, part. 2), et ne peut, sans la connaissance de Dieu, ni exister, ni être conçue (par la Propos. 15, part. 1). Par conséquent, à mesure que l’essence de l’âme enveloppe une plus grande connaissance de Dieu, l’homme vertueux désire avec plus de force pour les autres le bien qu’il désire pour lui-même. C. Q. F. D. Autre démonstration Le bien que l’homme désire et aime pour lui, il l’aimera d’une façon plus ferme (par la Propos. 31, part. 3), s’il voit que les autres l’aiment aussi ; et conséquemment (par le Coroll. de cette même Propos.) il fera effort pour que les autres l’aiment aussi ; et comme ce bien est commun à tous (par la Propos. précéd.) et que tous en peuvent jouir, il s’ensuit qu’il fera effort (par la même raison) pour que tous en jouissent, et cela avec d’autant plus de force (par la Propos. 37, part. 3) que lui-même jouira davantage de ce bien.

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