EIV - Proposition 8

  • 30 mai 2004

La connaissance du bon et du mauvais n’est rien d’autre que l’affection de la Joie ou de la Tristesse, en tant que nous en avons conscience.

DÉMONSTRATION

Nous appelons bon ou mauvais ce qui est utile ou nuisible à la conservation de notre être (Déf. 1 et 2), c’est-à-dire (Prop. 7, p. III) ce qui accroît ou diminue, seconde ou réduit notre puissance d’agir. En tant donc (Déf. de la Joie et de la Tristesse, Scolie de la Prop. 11, p. III) que nous percevons qu’une chose nous affecte de Joie ou de Tristesse, nous l’appelons bonne ou mauvaise ; et ainsi la connaissance du bon et du mauvais n’est rien d’autre que l’idée de la Joie ou de la Tristesse, qui suit nécessairement (Prop. 22, p. II) de l’affection même de la Joie ou de la Tristesse. Mais cette idée est unie à l’affection de la même manière que l’Âme est unie au Corps (Prop. 21, p. II) ; c’est-à-dire (comme nous l’avons montré dans le Scolie de la même Prop.) cette idée ne se distingue, en réalité, de l’affection elle-même, ou (Déf. gén. des Affections) de l’idée d’une affection du Corps, que par la conception que nous en avons ; donc cette connaissance du bon et du mauvais n’est rien d’autre que l’affection même, en tant que nous en avons conscience. C.Q.F.D. [*]


Cognitio boni et mali nihil aliud est quam lætitiæ vel tristitiæ affectus quatenus ejus sumus conscii.

DEMONSTRATIO :

Id bonum aut malum vocamus quod nostro esse conservando prodest vel obest (per definitiones 1 et 2 hujus) hoc est (per propositionem 7 partis III) quod nostram agendi potentiam auget vel minuit, juvat vel coercet. Quatenus itaque (per definitiones lætitiæ et tristitiæ, quas vide in scholio propositionis 11 partis III) rem aliquam nos lætitia vel tristitia afficere percipimus, eandem bonam aut malam vocamus atque adeo boni et mali cognitio nihil aliud est quam lætitiæ vel tristitiæ idea quæ ex ipso lætitiæ vel tristitiæ affectu necessario sequitur (per propositionem 22 partis II). At hæc idea eodem modo unita est affectui ac mens unita est corpori (per propositionem 21 partis II) hoc est (ut in scholio ejusdem propositionis ostensum) hæc idea ab ipso affectu sive (per generalem affectuum definitionem) ab idea corporis affectionis revera non distinguitur nisi solo conceptu ; ergo hæc cognitio boni et mali nihil est aliud quam ipse affectus quatenus ejusdem sumus conscii. Q.E.D.


[*(Saisset :) La connaissance du bien ou du mal n’est rien autre chose que la passion de la joie ou de la tristesse, en tant que nous en avons conscience. Démonstration Nous appelons bien ou mal ce qui est utile ou contraire à la conservation de notre être (par les Déf. 1 et 2) ; en d’autres termes (par la Propos. 7, part. 3), ce qui augmente ou diminue, empêche ou favorise notre puissance d’agir. Ainsi donc (par les Défin. de la joie et de la tristesse qu’on trouve dans le Scol. de la Propos. 11, part. 3), en tant que nous pensons qu’une certaine chose nous cause de la joie ou de la tristesse, nous l’appelons bonne ou mauvaise ; et conséquemment la connaissance du bien et du mal n’est rien autre chose que l’idée de la joie ou de la tristesse, laquelle suit nécessairement (par la Propos. 22, part. 2) de ces deux mêmes passions. Or cet idée est unie à la passion qu’elle représente de la même façon que l’âme est unie au corps (par la Propos. 21, part. 2) ; en d’autres termes (comme on l’a montré dans le Scol. de cette même Propos.), cette idée ne se distingue véritablement de cette passion, c’est-à-dire (par la Défin. génér. des pass.) de l’idée de l’affection du corps qui lui correspond, que par le seul concept. Donc la connaissance du bien et du mal n’est rien autre chose que la passion elle-même, en tant que nous en avons conscience. C. Q. F. D.

Dans la même rubrique

EIV - Proposition 1

EII - Proposition 32 ; EII - Proposition 33 ; EII - Proposition 35.
EIII - Proposition 4.
Rien de ce qu’une idée fausse a de positif n’est (...)

EIV - Proposition 1 - scolie

EII - Proposition 16 - corollaire 2 ; EII - Proposition 17 ; EII - Proposition 35 - scolie.
Cette Proposition se connaît plus clairement par (...)

EIV - Proposition 2

EIII - Définition 1 ; EIII - Définition 2.
Nous pâtissons en tant que nous sommes une partie de la Nature qui ne peut se concevoir par soi (...)

EIV - Proposition 3

EIV - Axiome.
(Cette démonstration est universelle, selon la dem. de la prop. 4).
La force avec laquelle l’homme persévère dans (...)

EIV - Proposition 4

EI - Proposition 16 ; EI - Proposition 21 ; EI - Proposition 24 - corollaire ; EI - Proposition 34.
EIII - Proposition 4 ; EIII - Proposition (...)

EIV - Proposition 4 - corollaire

Il suit de là que l’homme est nécessairement toujours soumis aux passions, suit l’ordre commun de la Nature et lui obéit, et s’y adapte autant (...)

EIV - Proposition 5

EII - Proposition 16.
EIII - Définition 1 ; EIII - Définition 2 ; EIII - Proposition 7.
La force et la croissance d’une passion (...)

EIV - Proposition 6

EIV - Proposition 3 ; EIV - Proposition 5.
La force d’une passion ou d’une affection peut surpasser les autres actions de l’homme, ou sa (...)

EIV - Proposition 7

EII - Proposition 6 ; EII - Proposition 12.
EIII - Proposition 5 ; Ethique III - Définition générale des affects.
EIV - Axiome ; EIV - (...)

EIV - Proposition 7 - corollaire

Ethique III - Définition générale des affects.
EIV - Proposition 7.
Une affection, en tant qu’elle se rapporte à l’âme, ne peut être (...)

EIV - Proposition 9

EII - Proposition 16 - corollaire 2 ; EII - Proposition 17 (et EII - Proposition 17 - scolie).
Ethique III - Définition générale des affects. (...)

EIV - Proposition 9 - scolie

EIII - Proposition 18.
Quand j’ai dit, Proposition 18, partie III, que nous sommes affectés de la même affection par l’image d’une chose (...)

EIV - Proposition 9 - corollaire

L’image d’une chose future ou passée, c’est-à-dire d’une chose que nous nous représentons avec une relation au temps futur ou passé, le présent (...)

EIV - Proposition 10

EIV - Proposition 9.
A l’égard d’une chose future que nous imaginons devoir être prochainement, nous sommes affectés de façon plus intense (...)

EIV - Proposition 10 - scolie

EIV - Définition 6.
Il suit de l’observation jointe à la Définition 6, qu’à l’égard des objets séparés du temps présent par un intervalle (...)

EIV - Proposition 11

EI - Proposition 33 - scolie 1.
EIV - Proposition 9.
Une affection se rapportant à une chose que nous imaginons comme nécessaire est plus (...)

EIV - Proposition 12

EIII - Proposition 18.
EIV - Définition 3 ; EIV - Définition 4.
Une affection se rapportant à une chose que nous savons ne pas exister (...)

EIV - Proposition 12 - corollaire

EIV - Proposition 9 - corollaire ; EIV - Proposition 10 ; EIV - Proposition 12.
Une affection se rapportant à une chose que nous savons ne (...)

EIV - Proposition 13

EII - Proposition 17 - corollaire ; EII - Proposition 18 (et EII - Proposition 18 - scolie).
EIV - Définition 3 ; EIV - Proposition 9.
Une (...)

EIV - Proposition 14

Ethique III - Définition générale des affects.
EIV - Proposition 1 ; EIV - Proposition 7 ; EIV - Proposition 8.
La connaissance vraie du (...)

EIV - Proposition 15

EIII - Définition 2 ; EIII - Proposition 1 ; EIII - Proposition 3 ; EIII - Proposition 7 ; EIII - Proposition 37 ; EIII - Définitions des (...)

EIV - Proposition 16

EIV - Proposition 9 - corollaire ; EIV - Proposition 15.
Le Désir qui naît de la connaissance du bon et du mauvais, en tant qu’elle est (...)

EIV - Proposition 17

EIV - Proposition 12 - corollaire ; EIV - Proposition 15 ; EIV - Proposition 16.
Un Désir qui naît de la connaissance vraie du bon et du (...)

EIV - Proposition 17 - scolie

Je crois avoir montré par ce qui précède la cause pourquoi les hommes sont plus émus par l’opinion que par la Raison vraie, et pourquoi la (...)

EIV - Proposition 18

EIII - Proposition 7 ; EIII - Proposition 11 - scolie ; EIII - Définitions des affects - 01.
Un Désir qui naît de la Joie est plus fort, (...)

EIV - Proposition 18 - scolie

EII - Proposition 13 - (Postulat 4).
EIII - Proposition 4 ; EIII - Proposition 7.
EIV - Définition 8.
J’ai expliqué dans ce petit nombre (...)