Traité politique, IX, §13

  • 16 mai 2005


Il reste à parler des villes qui n’ont point leur autonomie. Ces dernières, si elles sont dans une province ou une région de l’État et que leurs habitants soient de même nation et parlent le même langage, doivent nécessairement, ainsi que les villages, être considérés comme des parties des villes voisines, de sorte que chacune doit être dans la dépendance de telle ou telle ville autonome. La cause en est que les patriciens ne sont pas élus par l’Assemblée suprême de l’État, mais par l’Assemblée de chaque ville dont les membres sont plus ou moins nombreux suivant le nombre des habitants compris dans la juridiction de cette ville (par le § 5 de ce chapitre). Il est ainsi nécessaire que la masse de la population d’une ville qui n’est pas autonome, soit comprise dans le recensement d’une ville qui est autonome, et dépende de cette dernière. Mais les villes conquises par la guerre et ajoutées à l’État doivent être considérées comme des alliées de l’État et attachées par des bienfaits ; ou bien des colonies ayant droit de cité doivent y être envoyées et la population qui l’habitait doit être transportée ailleurs ou exterminée [1].


Traduction Saisset :

Reste donc à parler des villes qui ne s’appartiennent pas à elles-mêmes. Si elles sont situées dans une province ou dans une partie quelconque de l’empire et que leurs habitants soient de la même nation et parlent la même langue, elles doivent nécessairement, comme les bourgs, être prises pour des parties de villes voisines ; et de cette façon chacune d’elles doit se trouver sous l’administration de telle ou telle ville qui se gouverne elle-même. La raison en est que les patriciens ne sont pas élus par le conseil suprême de l’empire, mais par le conseil suprême de chaque ville, et qu’ils sont, dans chaque ville, plus ou moins nombreux suivant le nombre de ses habitants dans les limites de sa juridiction (par l’article 5 de ce chapitre). C’est ce qui explique la nécessité de faire entrer dans le recensement d’une population qui se gouverne celle qui ne se gouverne pas, et de la placer sous sa direction. Les villes prises par droit de conquête et annexées à l’empire, doivent être traitées comme sœurs de l’empire et liées à lui par ce bienfait ; ou bien il y faut envoyer des colonies jouissant du droit de l’État et transporter ailleurs leur population ou la détruire entièrement.


Superest igitur, ut de urbibus, quae sui iuris non sunt, loquamur. Hae si in ipsa imperii provincia vel regione conditae et earum incolae eiusdem nationis et linguae sint, debent necessario, sicuti pagi, veluti urbium vicinarum partes censeri, ita ut earum unaquaeque sub regimine huius aut illius urbis, quae sui iuris est, esse debeat. Cuius rei ratio est, quod patricii non a supremo huius imperii, sed a supremo uniuscuiusque urbis concilio eligantur, qui in unaquaque urbe pro numero incolarum intra limites iurisdictionis eiusdem urbis plures paucioresve sunt (per art. 5. huius cap.). Atque adeo necesse est, ut multitudo urbis, quae sui iuris non est, ad censum multitudinis alterius, quae sui iuris sit, referatur, et ab eius directione pendeat. At urbes iure belli captae, et quae imperio accesserunt, veluti imperii sociae habendae, et beneficio victae obligandae, vel coloniae, quae iure civitatis gaudeant, eo mittendae, et gens alio ducenda vel omnino delenda est.


[1Voyez Machiavel, Discours sur la première décade de Titi-Live, Livre II, chap.23.

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