Sur la conscience, l’identité personnelle

Le moi substantiel : une fiction grammaticale.

« On pense : donc il y a quelque chose qui pense », à cela se réduit l’argumentation de Descartes. Mais c’est là tenir déjà pour « vrai a priori » notre croyance en l’idée de substance. - Dire que, lorsque l’on pense, il faut qu’il y ait quelque chose « qui pense » c’est simplement la formulation d’une habitude grammaticale qui, à l’action, ajoute un acteur. Bref, on annonce ici déjà un postulat logico-métaphysique - au lieu de se contenter de constater... Sur la voie indiquée par Descartes on n’arrive pas à une certitude absolue, mais seulement au fait d’une croyance très forte.

Si l’on réduit la proposition à ceci : « on pense, donc il y a des pensées », il en résulte une simple tautologie, et, ce qui entre justement en question, la « réalité de la pensée » n’est pas touchée, - de sorte que, sous cette forme, on est forcé de reconnaître l’« apparence » de la pensée. Mais ce que voulut Descartes, c’est que la pensée n’eût pas seulement une réalité apparente, mais qu’elle fût un en soi.

Nietzsche, La volonté de puissance, §260, trad. H. Albert, LGE, p.287 (même texte : La volonté de puissance, §147, trad. Bianquis, Gallimard).