Les sujets : des questions

Par exemple :
« L’imagination est-elle le refuge de la liberté ? »
« Suffit-il pour être juste d’obéir aux lois et aux coutumes de son pays ? »

A ces questions, on voudrait répondre immédiatement par « oui » ou par « non ». C’est ce qu’il faut éviter de faire : si plusieurs réponses sont possibles, cela ne veut-il pas dire qu’aucune n’est certaine ?
Il y a donc un PROBLÈME dont il faut montrer l’origine (les présupposés), l’enjeu (les éventuelles conséquences), le sens.

Le PROBLÈME doit être explicité parfaitement. C’est le travail qui doit être fait par la dissertation :

Un sujet, c’est toujours la mise en QUESTION d’une THÈSE. Il faut donc, et c’est un premier pas dans l’analyse du sujet, repérer cette thèse (l’expliquer : définir les termes qui la composent de façon à la rendre plus compréhensible ; mettre en évidence les raisons pour lesquelles on peut la soutenir, c’est-à-dire la justifier). Ceci doit être fait afin, dans un deuxième temps, de pouvoir montrer ce qui justifie qu’on s’interroge sur sa validité (c’est ce que fait le sujet : il la met en question) : quelles sont les raisons pour lesquelles cette première thèse ne peut être adoptée trop rapidement (contrairement à ce qu’on veut faire en répondant spontanément « oui » ou « non » au sujet). Cela peut se faire en montrant qu’une thèse peut lui être opposée. Ceci permet de mettre en lumière la difficulté, l’obstacle qui empêchent de répondre trop vite : le PROBLÈME.

Pour cela, il faut :

  • Ne pas foncer tête baissée sur une réponse ou sur l’autre (opinion, et non philosophie). Il faut mettre en lumière ce qui n’est pas explicite dans l ’énoncé :
  • Analyser les termes de l’énoncé (cf. plus bas ).
  • Expliciter leurs relations.
  • Dégager les implications et les présupposés de l’énoncé.
  • Mettre en évidence le PROBLÈME par rapport auquel la formulation prend sens.

L’Introduction

C’est le moment le plus important de la dissertation.

Elle doit :
Poser clairement le PROBLÈME : qu’est-ce qui est embarrassant dans le sujet, qui empêche de répondre précipitamment, immédiatement ?IL FAUT FAIRE SURGIR LE PROBLÈME QUE CONTIENT IMPLICITEMENT LE SUJET.

Montrer quels sont les ENJEUX du problème : à quoi ça mène de poser ces questions.

A partir de l’énoncé, poser une QUESTION qui permettra d’engager positivement la résolution (ou tentative de résolution) du problème. L’introduction se termine par cette question. Un bon moyen de formuler cette question ( et donc de commencer la dissertation ) est de s’interroger sur les conditions de validité de la thèse que contient implicitement le sujet, et qui est mise en question ( thèse qu’il faut donc commencer par dégager ).

C’est tout ce qui doit se trouver dans l’introduction. Introduire une réflexion philosophique, c’est voir un problème, une difficulté, un embarras ; l’expliciter et engager la recherche d’une solution en posant une question précise.

On peut ajouter, dans l’introduction, l’annonce de la démarche qui sera mise en œuvre (« le plan »). Mais ce n’est pas nécessaire, et peut même être maladroit.

Elle ne doit pas :

Poser des considérations passe-partout telles que : « De tout temps les hommes… », « Depuis toujours… », « La question posée est la plus importante des questions qui se posent à l’homme. » (!!!), ou encore : « Quel magnifique sujet nous est proposé ! ».

La Discussion

La discussion analyse les concepts mis en jeu par le sujet, les définit afin de parvenir à construire une réponse argumentée.
La discussion examine les réponses, les solutions possibles au problème posé dans l’introduction. Puisqu’il y a problème, il y a - au moins au premier abord - plusieurs solutions envisageables. La discussion sera donc un DÉBAT entre ces réponses possibles.

Donc il y a nécessairement au moins deux parties
dans une dissertation philosophique.

Mais deux parties sont souvent insuffisantes puisque alors la discussion se contente d’opposer deux thèses sans choisir entre les deux. Or il vous appartient, dans votre discussion, de soutenir votre point de vue, et donc de dépasser le simple exposé d’une contradiction.

La dissertation philosophique met à jour des arguments, des points de vue contradictoires. Et elle cherche à choisir entre eux de façon rationnelle.

Ce qu’il faut éviter :

a- le hors sujet. C’est « raconter » des choses qui ne contribuent pas à construire une solution au problème. La dissertation philosophique doit être sobre [1].

b- Traiter un sujet plus général.Partir dans un exposé plus large, plus vague que ce qu’exige la solution du problème. Cela permet d’écrire quelques pages « molles », en évitant d’affronter le vrai problème [2].

Ce qu’il faut faire :

a- analyse des concepts :Un concept, c’est une idée abstraite ayant une valeur opératoire ; instrument intellectuel utile pour comprendre le réel.
Un concept mis en œuvre dans une discussion philosophique doit être suffisamment clarifié, défini, pour qu’il ne puisse être confondu avec un autre [3].

b- réflexion sémantique :Réflexion sur le sens, la signification des termes de l’énoncé.
Les énoncés de philosophie comportent souvent des mots qui possèdent plusieurs sens. Se pencher sur les différents usages d’un mot peut permettre de parvenir à clarifier les concepts. Il faudra parfois, pour construire la solution, privilégier un usage, un sens, ou bien construire une signification nouvelle à partir de celles du langage courant [4].

Bien entendu, toutes les définitions possibles d’un mot ne sont pas forcément utiles pour traiter le sujet donné.

c- Les termes voisins :On peut éclairer un terme par des termes voisins. Cela permet de saisir le sens spécifique du terme qu’on cherche à définir. Ce procédé peut être utilisé pour tous les sujets [5].

d- Les termes opposés :Ils permettent d’éclairer le concept par son contraire [6].

Ce qu’on peut utiliser :

a- les exemples :Ils permettent d’illustrer le raisonnement. Mais ils n’ont pas de valeur en eux-mêmes. Un exemple est toujours particulier, et ne vaut donc que pour lui-même. Les exemples ne peuvent se substituer à l’éclaircissement conceptuel.

b- les citations :Elles aussi ne sont que des illustrations. LE DEVOIR DOIT POUVOIR S’EN PASSER. Si ce n’est pas le cas, c’est qu’elles valent comme argument d’autorité. Alors il faut absolument les supprimer et retravailler l’éclaircissement conceptuel. Dans tous les cas , il faut impérativement éviter les citations tronquées ou, incertaines. En cas d’incertitude, reformuler par soi-même l’idée qui a semblé importante peut permettre de rédiger un passage intéressant. De plus, toute citation doit être accompagnée de ses références.

c- le cours et les références philosophiques :Leur utilisation doit servir à construire la réponse à la question posée. Mais ils ne peuvent remplacer la réflexion sur le sujet. Réciter du cours ou des connaissances ne peut que mener au hors sujet.

La conclusion

Elle apporte une réponse au problème posé dans l’introduction. Cette réponse doit être claire et précise : elle doit, après un rapide bilan, prendre parti quant au problème posé.

Il n’est pas conseillé de chercher à « ouvrir » de nouvelles perspectives, à élargir le débat.

Bilan

Une dissertation philosophique est une démonstration rationnelle, rigoureuse, s’appuyant sur des définitions précises et des distinctions conceptuelles. Elle doit traiter le sujet, et rien que lui, montrer un problème, et enfin, être personnelle et engagée. Il s’agit de mener une réflexion libre et personnelle en réfléchissant sur les connaissances philosophiques et les auteurs.

[1exemple : « L’intérêt général est-il la somme des intérêts particuliers ? »
Le défaut consisterait à « disserter » sur la volonté générale, à « raconter » ce qu’est la volonté générale, sans parvenir à éclairer les rapports entre intérêt général et intérêts particuliers ; rapports problématiques.

[2exemple : « quels enseignements peut-on tirer de l’expérience ? ». Le défaut : parler de l’expérience en général.

[3exemple : Une dissertation portant sur l’imagination (cherchant à résoudre un problème spécifique quant à l’imagination) pourra être amenée à distinguer entre deux formes distinctes d’imagination :

  • une imagination reproductrice, qui reproduit des images perçues dans la réalité.
  • une imagination créatrice, qui fabrique ses propres images, même si c’est à partir d’éléments venant de la perception.
    Une telle distinction peut être utile pour résoudre certains problèmes concernant l’imagination.

[4exemple : « Peut-on vivre en marge de la société ? »
marge : a) Espace blanc latéral d’une page.
C’est l’espace où on porte les corrections.
b) Intervalle de temps ou d’espace dont on dispose entre certaines limites :
-une marge de réflexion,
-une marge de manœuvre,
-une marge de liberté.
c) « en marge de ... » : à la limite, ou à une distance plus ou moins grande de la limite. (ex. : vivre en marge).
d) marge bénéficiaire : différence entre le prix d’achat et le prix de vente brut.

Réfléchir sur les différents sens d’un mot peut aider à construire le concept qui offrira une solution satisfaisante.
Ici : comment comprendre la marge pour que vivre en marge soit possible ?

[5exemple : « Le bonheur est-il le bien suprême ? »
Distinguer : bonheur, joie, béatitude, bien être, félicité, plaisir.
On peut ainsi arriver à la définition du bonheur comme jouissance infinie, comme absolue stabilité et complet repos.

[6Par ex : « qu’est-ce que vivre en paix ? »
Il peut être utile de se demander ce que c’est que vivre en guerre.