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Miette 8 : Alain, La règle du beau

22 avril 2020, 15:22, par Julien NOBLET

Thème : L’art
Thèse : L’artiste est différent de l’artisan, de même que l’œuvre artistique est différente de l’œuvre mécanique. L’artiste crée une œuvre par spontanéité, c’est-à-dire sans aucune idée de création au préalable et avec une certaine forme d’improvisation tout au long de sa création. L’idée naît en même temps que l’œuvre. Il dispose de moyens innés de créer le beau, c’est-à-dire l’œuvre artistique, qui ne peut être que unique et particulière. Selon Alain, la beauté d’une œuvre artistique réside donc dans son unicité et dans la spontanéité et l’innocence de l’artiste qui l’a crée.

Plan :

I. Annonce du procédé d’argumentation
Alain explique la façon dont il va procéder pour argumenter, et proposer sa définition de l’art ; il commence par distinguer l’œuvre mécanique de l’œuvre artistique ce qui va lui permettre d’en déduire une définition de l’œuvre d’art.

II. Distinction entre l’œuvre mécanique et l’œuvre artistique

Il commence par affirmer que s’il existe une représentation de l’œuvre dans notre imaginaire, dans notre esprit et que cette représentation est transformé dans le réel, c’est-à-dire qu’elle amène à une création, alors il s’agit de l’industrie, de la production d’une œuvre mécanique. En effet, tout objet produit pour être utilisé part d’une idée imaginaire, il est conçu au préalable via des dessins, des prototypes, etc.. il y a recours à une médiation entre l’idée spontanée dans notre esprit et la création. L’artisan qui construit un meuble n’improvise pas ; il suit son propre plan. On retrouve ici la distinction entre le travail humain et le travail animal étudiés par Marx dans l’abeille et l’architecte. Cependant, l’artisan peut être « artiste par éclairs », et Alain commence ici une première ébauche de la définition de l’artiste ; « souvent [...], même dans l’industrie, [...] l’artisan trouve mieux qu’il n’avait pensé dès qu’il essaye ; en cela il est artiste, mais par éclairs. » On comprend alors que l’artiste est celui qui est surprit par sa propre création, c’est-à-dire qu’il ne visualisait pas dans son esprit au préalable ; c’est celui qui crée spontanément. L’artisan est donc artiste par éclair car il y a toujours un peu de spontanéité lors de la création, cela ne se passe pas toujours comme prévu. Il rajoute un autre élément qui permet de caractériser l’œuvre mécanique ; c’est celle qu’on reproduit, celle qu’une « […] machine bien réglée d’abord ferait [...] à mille exemplaires. » et il utilise l’expression « Une idée dans une chose ». Tout cela veut dire que l’œuvre mécanique est une idée que l’on mets au service de quelque chose. Ainsi l’œuvre mécanique est liée à la technique, car on l’utilise par exemple en tant qu’outil. A contrario, l’œuvre artistique c’est une idée en elle-même qui n’a pas vocation à être mis au service d’une chose. Elle n’est pas conçue dans notre esprit au préalable, elle est le fruit de la spontanéité de l’artiste et le talent de cet artiste-là possède donc un caractère immédiat, car il n’y a pas de médiation à la différence de l’œuvre mécanique ; l’idée naît au même moment où elle prend forme, c’est-à-dire lorsque l’artiste réalise l’œuvre.

III. Définition de l’artiste et de l’art
Ensuite, Alain en déduit alors une définition de l’artiste grâce à la distinction qu’il a opéré plus haut.
« Il faut que le génie ait la grâce de la nature » signifie que la création artistique est innée, c’est une compétence inégalement répartie entre les individus. L’artiste est celui que se laisse porter par des gestes spontanés et mécaniques, qui crée d’une manière fluide et totalement intuitive. C’est alors aussi celui qui adopte une certaine passivité voire soumission dans son processus de création, car Alain souligne qu’il est également spectateur de son œuvre, il la découvre en même temps qu’il la crée et semble s’abandonner à la force son talent. Il présente ainsi une certaine forme d’humilité car il n’a pas conscience et ne prétend pas créer quelque chose de beau avant de prendre ses outils.

IV. Définition de la « règle du beau »
Alain parle finalement de « […] règle du beau […] ». Cette règle nécessite donc que l’œuvre d’art se révèle au même où elle est créée ce qui la rend unique car on ne peut pas recopier quelque chose qui n’a pas de "plan". Le beau naît de manière naturelle au cours de la création artistique, il émerge de l’outil de l’artiste sans aucune invocation ou réflexion préalable. Ainsi, une œuvre est belle car elle est spontanée, non consciente ; l’artiste ne cherche pas à créer le beau et il même présente une certaine humilité (il se laisse surprendre par son œuvre, dont il n’avait pas conscience de sa beauté avant). Tout cela fait que l’œuvre est belle en soi, non pas du point de vue esthétique mais simplement du point de vue de sa spontanéité et de l’humilité de celui qui la crée.


Problème :

Le problème est que l’artiste définit par Alain ne semble pas libre de créer mais soumis à des pulsions presque animales qui guident ses gestes et sa création. Or, si l’artiste n’est pas libre et qu’il découvre la beauté au moment où il la crée, alors d’où vient cette beauté ? Qui décide de ce que vont faire les mains de l’artiste ? En outre, ne faut-il pas maîtriser des gestes techniques précis et complexes pour réaliser une œuvre d’art ? On peut penser à l’exemple du peintre ; comment les techniques de peinture pourraient être aussi innées, aussi improvisées que le décrit Alain. Le fait d’être artiste ne semble ne pas se limiter uniquement à posséder une forme de grâce de la nature, mais il faut aussi en prendre conscience car on peut être notamment un artiste qui s’ignore et par conséquent, notre grâce de la nature ne peut être exploitée et elle est même gâchée. Si l’on en prend conscience, cela suppose finalement que l’artiste ne peut pas être étonné lors de la création et n’improvise pas à un degré aussi important que le pense Alain. Il est conscient qu’il est en train d’utiliser ses capacités de créer le beau, et il s’y attend donc. A ce titre-là, la règle du beau est mise à mal. Ce que décrit Alain lors de la création de l’œuvre d’art c’est peut-être la création de l’œuvre mais pas d’un point de vue matériel, c’est sa création dans l’esprit de l’artiste.

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