A ces usages correspondent aussi quatre abus : Le premier se manifeste quand des hommes enregistrent incorrectement leurs pensées, à cause de la signification flottante des mots dont ils se servent, qui leur fait enregistrer comme étant leurs conceptions des choses qu’ils n’ont jamais conçues, et ainsi s’induire eux-mêmes en erreur. Le second, quand on use des mots métaphoriquement, c’est-à-dire en un autre sens que celui auquel ils sont destinés, et qu’ainsi on induit les autres en erreur. Le troisième, quand on se sert des mots pour donner comme étant sa volonté ce qui ne l’est pas. Le quatrième, quand les hommes se servent des mots pour se blesser les uns les autres : étant donné en effet que la nature a armé les créatures vivantes les unes de dents, les autres de cornes, d’autres enfin de mains, pour leur permettre de blesser leur ennemi, ce n’est rien d’autre qu’un abus de la parole que de le blesser avec la langue, à moins qu’il ne s’agisse d’un homme que nous sommes obligés de gouverner : car alors ce n’est pas le blesser, mais le corriger et l’amender (...).
Quand un homme, en entendant parler, a les pensées que les paroles prononcées et leur mise en relation avaient comme destination, comme tâche assignée, de signifier, on dit alors qu’il comprend ces paroles. La compréhension n’est en effet rien d’autre que la conception causée par la parole. Par conséquent, si la parole est propre à l’homme (et pour autant que je sache il en est ainsi), la compréhension lui est particulière, elle aussi. Par conséquent aussi, il ne peut pas y avoir compréhension des affirmations absurdes et fausses, au cas où elles seraient universelles, encore que beaucoup de gens pensent comprendre alors qu’ils ne font que répéter les mots à voix basse, ou les repasser dans leur esprit.
Des façons de parler qui expriment les appétits, les aversions et les passions de l’esprit humain, de leur usage et de leur abus, je parlerai après avoir parlé des passions.
Suite du texte :
A ces usages correspondent aussi quatre abus : Le premier se manifeste quand des hommes enregistrent incorrectement leurs pensées, à cause de la signification flottante des mots dont ils se servent, qui leur fait enregistrer comme étant leurs conceptions des choses qu’ils n’ont jamais conçues, et ainsi s’induire eux-mêmes en erreur. Le second, quand on use des mots métaphoriquement, c’est-à-dire en un autre sens que celui auquel ils sont destinés, et qu’ainsi on induit les autres en erreur. Le troisième, quand on se sert des mots pour donner comme étant sa volonté ce qui ne l’est pas. Le quatrième, quand les hommes se servent des mots pour se blesser les uns les autres : étant donné en effet que la nature a armé les créatures vivantes les unes de dents, les autres de cornes, d’autres enfin de mains, pour leur permettre de blesser leur ennemi, ce n’est rien d’autre qu’un abus de la parole que de le blesser avec la langue, à moins qu’il ne s’agisse d’un homme que nous sommes obligés de gouverner : car alors ce n’est pas le blesser, mais le corriger et l’amender (...).
Quand un homme, en entendant parler, a les pensées que les paroles prononcées et leur mise en relation avaient comme destination, comme tâche assignée, de signifier, on dit alors qu’il comprend ces paroles. La compréhension n’est en effet rien d’autre que la conception causée par la parole. Par conséquent, si la parole est propre à l’homme (et pour autant que je sache il en est ainsi), la compréhension lui est particulière, elle aussi. Par conséquent aussi, il ne peut pas y avoir compréhension des affirmations absurdes et fausses, au cas où elles seraient universelles, encore que beaucoup de gens pensent comprendre alors qu’ils ne font que répéter les mots à voix basse, ou les repasser dans leur esprit.
Des façons de parler qui expriment les appétits, les aversions et les passions de l’esprit humain, de leur usage et de leur abus, je parlerai après avoir parlé des passions.