Traité politique, VIII, §05

  • 4 mai 2005


Il apparaît ainsi que la condition de cet État aristocratique sera la meilleure, s’il a des institutions telles qu’il se rapproche le plus d’un Étal absolu [1], c’est-à-dire que la masse du peuple soit aussi peu redoutable que possible et n’ait d’autre liberté que celle qui, en vertu même de la constitution de l’État, doit lui être attribuée et qui est moins le droit de la masse que le droit de tout l’État, droit que défendent et maintiennent seuls les supérieurs. De cette façon pratique et théorie s’accordent le mieux, ainsi qu’il ressort du paragraphe précédent, et qu’il est clair de soi ; car nous ne pouvons douter que le pouvoir est d’autant moins entre les mains des patriciens que la plèbe revendique pour elle-même plus de droits, comme c’est le cas dans la basse Allemagne pour les associations d’artisans appelées Gilden en langue vulgaire.


Traduction Saisset :

Il devient donc évident que la meilleure condition possible du gouvernement aristocratique, c’est d’être le plus possible un gouvernement absolu, c’est d’avoir à craindre le moins possible la multitude, et de ne lui donner aucune autre liberté que celle qui dérive nécessairement de la constitution de l’État, liberté qui dès lors est moins le droit de la multitude que le droit de l’État tout entier revendiqué et conservé par les seuls patriciens. A cette condition, en effet, la pratique sera d’accord avec la théorie (comme cela résulte de l’article précédent, et d’ailleurs la chose est de soi manifeste). Car il est clair que le gouvernement sera d’autant moins entre les mains des patriciens que la plèbe revendiquera plus de droits, comme il arrive en basse Allemagne dans ces collèges d’artisans qu’on appelle gilden.


Apparet itaque huius imperii conditionem optimam fore, si ita institutum fuerit, ut ad absolutum maxime accedat, hoc est, ut multitudo, quantum fieri potest, minus timenda sit, nullamque libertatem obtineat, nisi quae ex ipsius imperii constitutione ipsi necessario tribui debet, quaeque adeo non tam multitudinis, quam totius imperii ius sit, quod soli optimates ut suum vendicant conservantque. Hoc enim modo praxis cum theoria maxime conveniet, ut ex art. praeced. patet, et per se etiam manifestum est. Nam dubitare non possumus, imperium eo minus penes patricios esse, quo plura sibi plebs iura vendicat, qualia solent in inferiori Germania opificum collegia, gilden vulgo dicta, habere.


[1Le seul État réellement absolu est la démocratie, puisqu’il est celui dans lequel on ne peut concevoir aucune résistance à la volonté du souverain. Voyez Traité politique, VIII, §03.

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