• « « Une littérature mineure n’est pas celle d’une langue mineure, plutôt celle qu’une minorité fait dans une langue majeure » (Gilles Deleuze et Félix Guattari, Kafka pour une littérature mineure, Ed. Minuit, 1975, p. 29). Elle fait subir à une langue dominante un traitement qui la rend étrangère à elle-même et la fait « tendre vers ses extrêmes ou ses limites » (ibid., p. 42), afin de la soustraire à ses usages officiels au service du pouvoir. » (Mathieu Duplay, « Littérature mineure », in Le vocabulaire de Gilles Deleuze (sous la dir. Robert Sasso et Arnaud Villani), Les Cahiers de Noesis n° 3, Printemps 2003, p. 216.)
  • « Une littérature mineure comporte trois caractéristiques principales : « la déterritorialisation de la langue », « le branchement de l’individuel sur l’immédiat-politique » et le recours à un « agencement collectif d’énonciation » (Kafka pour une littérature mineure, 1975, p. 33).

1) La « déterritorialisation de la langue » passe par l’instauration d’une « distance irréductible avec la territorialité primitive » (ibid., p.30). Il s’agit d’arriver à « écrire dans sa propre langue comme un juif tchèque écrit en allemand, ou comme un Ouzbek écrit en russe » (ibid., p. 33). Le but de cette opération est de soustraire la langue à tout usage d’assignation et de contrôle, notamment territorial ou identitaire, pour la rendre « nomade » et l’entraîner sur une « ligne de fuite ».

2) Du fait de cette déterritorialisation, « chaque affaire individuelle est immédiatement branchée sur le politique » (ibid., p.30). Alors que, dans les « grandes » littératures, le milieu social n’est présent qu’à l’arrière-plan et constitue le fond sur lequel se détache l’affaire individuelle, toute littérature mineure, mue par une dynamique de rupture avec les puissances établies, s’affronte en permanence à la question de l’assujettissement et du pouvoir.

3) Par conséquent, « les conditions ne sont pas données d’une énonciation individuée, qui serait celle de tel ou tel ’’maître’’, et pourrait être séparée de l’énonciation collective » (ibid., p. 31). Une littérature mineure n’est pas le fait de sujets d’énonciation isolés ayant la prétention de dominer leur discours, car c’est précisément à ce type de maîtrise que s’oppose le travail de déterritorialisation. Au contraire, une littérature mineure s’attache à inventer « les conditions d’une énonciation collective qui manquent partout ailleurs » : reflet, non d’une unité préexistante, mais d’une multiplicité en devenir, elle est « l’affaire du peuple » (ibid., p.32). » (Mathieu Duplay, « Littérature mineure », in Le vocabulaire de Gilles Deleuze (sous la dir. Robert Sasso et Arnaud Villani), Les Cahiers de Noesis n° 3, Printemps 2003, pp. 216-217.)