Le cas Heidegger.

2001 : « Heidegger n’était pas raciste », par son éditeur Vittorio Klostermann.

« Si vous voyez là une censure, vous êtes complètement à côté des réalités », assure Vittorio Klostermann, l’éditeur qui a débuté en 1975 la publication des œuvres complètes de Heidegger en Allemagne. « Nous publions les volumes dans le désordre », répond-il quand on lui demande pourquoi ce volume XVI est paru si longtemps après les volumes XV et... XVII. « En 1975, nous avons débuté par le volume 24, suivi des volumes 21 et 26. Le volume 85 est déjà paru aussi, alors que nous n’en sommes qu’à une soixantaine de volumes publiés, sur un total à venir de 102. » Une raison pour laquelle le volume XVI a un peu traîné est que le fils du philosophe, Hermann Heidegger, historien, voulait l’éditer lui-même, comme il a déjà édité le volume XIII en 1983, et que, « surchargé de travail », il a tardé à en venir à bout. « Il n’y a pas d’autre raison plus profonde ou plus cachée », assure encore Vittorio Klostermann.
L’éditeur avoue toutefois « avoir été surpris » par « la douceur des réactions » lors de la sortie de ce volume XVI l’an dernier, mais pour une toute autre raison. « Ce qui m’a effrayé en lisant ce volume, ce sont les discours tenus dans des occasions privées, pour des anniversaires par exemple. Ils reflètent une conception de l’homme ou du rôle de l’homme et de la femme tellement XIXe siècle que j’ai cru que les critiques allaient se jeter dessus. » L’article du Zeit est le premier à s’indigner des projets d’« hygiène raciale » du philosophe et il « fait tout à fait fausse route », assure Vittorio Klostermann : « Que Heidegger était un nazi convaincu dans ces années-là, c’est incontesté. Mais l’accuser de racisme ou de biologisme, c’est n’avoir rien compris à sa philosophie. » L.M. (Berlin)

© Libération, Le samedi 9 et dimanche 10 juin 2001