« Même les actes qui s’achèvent dans la pleine conscience de soi ont, en général, leur principe et leur première origine dans des instincts sourds et des mouvements réflexes. La conscience n’est donc qu’un point lumineux dans la grande sphère obscure de la vie ; c’est une petite lentille groupant en faisceaux quelques rayons de soleil et s’imaginant trop que son foyer est le foyer même d’où partent les rayons. Le ressort naturel de l’action, avant d’apparaître dans la conscience, devait déjà agir (...)
« Un simple doute suffirait pour délier d’une obligation qui ne proviendrait que de la foi. Et ce doute, une fois conscient de lui-même, créerait un devoir, celui de la conséquence avec soi-même, celui de ne pas trancher en aveugle un problème incertain, de ne pas fermer une question ouverte, de telle sorte qu’au "devoir de croire au devoir" qu’imagine celui qui a la foi, on peut opposer le devoir de douter du devoir, qui s’impose à celui qui nie. Doute oblige, si on peut dire que foi oblige. (...)
« Si de nos jours la foi religieuse proprement dire tend à disparaître, elle est remplacée dans un grand nombre d’esprits par une foi morale. L’absolu s’est déplacé, il est passé du domaine de la religion dans celui de l’éthique ; mais là encore il n’a rien perdu du pouvoir qu’il exerce sur l’esprit humain. Il est resté capable de soulever les masses, on en a vu un exemple dans la Révolution française ; il peut provoquer le plus généreux enthousiasme ; il peut produire aussi un certain genre de fanatisme, (...)
« Il n’y a peut-être rien qui offre à l’œil et à la pensée une représentation plus complète et plus attristante du monde que l’océan. C’est d’abord l’image de la force dans ce qu’elle a de plus farouche et de plus indompté ; c’est un déploiement, un luxe de puissance dont rien autre chose de peut donner l’idée ; et cela vit, s’agite, se tourmente éternellement sans but. On dirait parfois que la mer est animée, qu’elle palpite et respire, que c’est un coeur immense dont on voit le soulèvement puissant et (...)
« Il est possible de rendre une sorte de vie artificielle à la tête d’un décapité : si alors sa bouche pouvait s’ouvrir et articuler des mots, ses paroles ne seraient assurément que des cris de douleur ; dans notre société il existe ainsi un certain nombre d’hommes chez lesquels le système nerveux prédomine à ce point qu’ils sont, pour ainsi dire, des cerveaux, des têtes sans corps : de tels êtres ne vivent que par surprise, par artifice ; ils ne peuvent parler que pour se plaindre, chanter que pour gémir, (...)
« Il y a un plaisir qui meurt pour ainsi dire après chaque action accomplie, qui s’en va sans laisser de trace dans le souvenir, et qui pourtant est le plaisir fondamental de par excellence : c’est le plaisir même d’agir. Il constitue en grande partie l’attrait de toutes les fins désirées par l’homme ; seulement cet attrait se retire d’elles une fois qu’elles sont atteintes, une fois que l’action est accomplie. De là l’étonnement de celui qui essaye de juger la vie en recueillant ses souvenirs, et qui ne (...)
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Dernière mise à jour : mardi 31 janvier 2023