EII - Proposition 30

  • 21 avril 2004

Nous ne pouvons avoir de la durée de notre propre Corps qu’une connaissance extrêmement inadéquate.

DÉMONSTRATION

La durée de notre Corps ne dépend pas de son essence (Ax. 1) ; elle ne dépend pas non plus de la nature de Dieu prise absolument (Prop. 21, p. I). Mais (Prop. 28, p. I) il est déterminé à exister et à produire des effets par telles causes qui elles-mêmes ont été déterminées par d’autres à exister et à produire des effets dans une condition certaine et déterminée ; ces dernières, à leur tour, l’ont été par d’autres, et ainsi à l’infini. La durée de notre Corps donc dépend de l’ordre commun de la Nature et de la constitution des choses. Quant à la condition suivant laquelle les choses sont constituées, la connaissance adéquate en est en Dieu en tant qu’il a les idées de toutes choses, et non en tant qu’il a l’idée du Corps humain seulement (Coroll. de la Prop. 9) ; la connaissance de la durée de notre Corps est donc extrêmement inadéquate en Dieu, en tant qu’on le considère comme constituant la nature de l’Âme humaine, c’est-à-dire (Coroll. de la Prop. 11) que cette connaissance est dans notre Âme extrêmement inadéquate. C.Q.F.D. [*]


Nos de duratione nostri corporis nullam nisi admodum inadæquatam cognitionem habere possumus.

DEMONSTRATIO :

Nostri corporis duratio ab ejus essentia non dependet (per axioma 1 hujus) nec etiam ab absoluta Dei natura (per propositionem 21 partis I). Sed (per propositionem 28 partis I) ad existendum et operandum determinatur a talibus causis quæ etiam ab aliis determinatæ sunt ad existendum et operandum certa ac determinata ratione et hæ iterum ab aliis et sic in infinitum. Nostri igitur corporis duratio a communi naturæ ordine et rerum constitutione pendet. Qua autem ratione constitutæ sint, ejus rei adæquata cognitio datur in Deo quatenus earum omnium ideas et non quatenus tantum humani corporis ideam habet (per corollarium propositionis 9 hujus) ; quare cognitio durationis nostri corporis est in Deo admodum inadæquata quatenus tantum naturam mentis humanæ constituere consideratur hoc est (per corollarium propositionis 11 hujus) hæc cognitio est in nostra mente admodum inadæquata. Q.E.D.


[*(Saisset :) Nous n’avons de la durée de notre corps qu’une connaissance fort inadéquate. Démonstration La durée de notre corps ne dépend pas de son essence (par l’Axiome 1), ni de la nature absolue de Dieu (par la Propos. 21, partie 1).Mais (par la Propos.28, partie 1) notre corps est déterminé à exister et à agir d’une certaine façon par des causes qui sont elles-mêmes déterminées par d’autres causes à exister et à agir d’une certaine manière particulière, et celles-ci par d’autres encore, et ainsi à l’infini. La durée de notre corps dépend donc de l’ordre commun de la nature, et de la constitution des choses. Or l’idée ou connaissance de la manière dont les choses sont constituées est en Dieu, en tant qu’il a les idées de toutes ces choses, et non pas en tant qu’il a seulement l’idée du corps humain (par le Corollaire de la Propos. 9) ; c’est pourquoi la connaissance de la durée de notre corps est en Dieu fort inadéquate, en tant qu’il constitue la nature de l’âme humaine ; en d’autres termes (par le Corollaire De la Propos. 11) cette connaissance est fort inadéquate dans notre âme. C. Q. F. D.

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