Traité politique, VIII, §25

  • 13 mai 2005


La rétribution à donner aux syndics dont l’office, nous l’avons vu, est de veiller à ce que les lois demeurent inviolées, doit être calculée de la façon suivante : il faut que chaque père de famille habitant l’État paye chaque année une petite somme, le quart d’une once d’argent, de la sorte on saura quel est le nombre des habitants et quelle partie d’entre eux appartient au patriciat. Il faut aussi que tout nouveau patricien, après son élection, paie aux syndics une somme importante, par exemple vingt ou vingt-cinq livres d’argent. En outre les sommes payées à titre d’amende par les patriciens qui ne se seront pas rendus à la convocation de l’Assemblée, seront également attribuées aux syndics et aussi une part des biens des fonctionnaires ayant commis une faute, qui seront tenus de comparaître devant les syndics et condamnés à une peine pécuniaire pouvant aller jusqu’à la confiscation de tout leur avoir. Ce ne sont pas tous les syndics cependant qui en bénéficieront, mais seulement ceux qui siègent tous les jours et dont l’office est de convoquer le conseil des syndics (voir sur ce point le § 28 de ce chapitre). Pour que d’autre part le conseil des syndics conserve toujours le même nombre de membres, il sera établi que, avant toute autre question, l’Assemblée suprême convoquée à la date réglementaire, devra s’occuper de le compléter. Si le soin de l’y inviter a été négligé par les syndics, il appartiendra au président du Sénat (dont il sera bientôt question [1]) d’avertir l’Assemblée suprême de cette omission, de demander au président des syndics la raison du silence gardé par eux et de s’enquérir de l’opinion de l’Assemblée suprême. Si le président du Sénat se tait également, l’affaire sera reprise par le président du Tribunal suprême ou, à son défaut, par l’un quelconque des patriciens qui demandera compte au président des syndics, à celui du Sénat et à celui du Tribunal, de la cause de leur silence. Pour que, enfin, la loi interdisant l’accès au patriciat des très jeunes gens soit observée, il faut arrêter que tous ceux qui seront parvenus à l’âge de trente ans et qui ne sont pas légalement exclus du gouvernement, prennent soin de faire inscrire leurs noms sur la liste devant les syndics et reçoivent contre paiement d’une certaine somme une marque de leur dignité nouvelle ; il leur sera permis de porter un ornement accordé à eux seulement, qui les fera reconnaître et leur assurera plus de considération qu’aux autres. Une loi sera établie qui interdira à tout patricien de choisir au moment des élections une personne non portée sur la liste et cela sous une peine grave. Et nul ne pourra se dérober à l’office ou à la charge à laquelle il aura été appelé par un vote. Enfin, pour que les lois fondamentales de l’État restent inébranlables, il faut poser que, si quelqu’un dans l’Assemblée suprême propose une modification aux droits fondamentaux, par exemple la prolongation au-delà d’un an du pouvoir du chef de l’armée, la diminution du nombre des patriciens et autres choses semblables, il soit tenu coupable de haute trahison ; il ne suffira pas de le condamner à mort et de confisquer tous ses biens, il faudra qu’un monument public perpétue à jamais le souvenir de son crime. Pour conserver la stabilité des autres principes de droit public il suffit qu’il soit posé que nulle loi ne peut être abrogée, nulle loi nouvelle établie, si les trois quarts ou les quatre cinquièmes, en premier lieu du conseil des syndics, et en second lieu de l’Assemblée suprême, ne se sont pas mis d’accord à ce sujet.


Traduction Saisset :

Voici donc les émoluments qu’il conviendra d’assigner aux syndics, dont l’office, je le répète, est de veiller à la conservation des lois de l’État : que chaque père de famille ayant son habitation dans l’empire soit tenu de payer, chaque année, aux syndics, une faible somme, le quart d’une once d’argent par exemple ; ce sera un moyen de constater le chiffre de la population et de voir dans quel rapport il est avec le nombre des patriciens. Ensuite, que chaque patricien nouvellement élu paye aux syndics une somme considérable, par exemple vingt ou vingt-cinq livres d’argent. On attribuera encore aux syndics : 1° les amendes pécuniaires subies par les patriciens absents (je parle de ceux qui auront fait défaut à une convocation de l’Assemblée) ; 2° une partie des biens des fonctionnaires délinquants qui, ayant dû comparaître devant le tribunal des syndics, auront été frappés d’une amende ou condamnés à la confiscation. Remarquez qu’il ne s’agit pas ici de tous les syndics, mais seulement de ceux qui siègent tous les jours et dont l’office est de convoquer en conseil leurs collègues (voyez l’article 28 du présent chapitre).

Pour que le conseil des syndics maintienne le chiffre normal de ses membres, il faudra que cette question soit soulevée avant toutes les autres, chaque fois que l’Assemblée suprême se réunira aux époques légales. Si les syndics négligent ce soin, le président du Sénat (nous aurons à parler tout à l’heure de ce nouveau corps) devra avertir l’Assemblée, exiger du président des syndics de rendre raison de son silence, s’enquérir enfin de l’opinion de l’Assemblée à cet égard. Le président du Sénat garde-t-il aussi le silence ? L’affaire concerne alors le président du tribunal suprême, ou, si ce dernier vient à se taire, tout patricien quel qu’il soit, lequel demande compte de leur silence tant au président des syndics qu’au président du Sénat et à celui des juges.

Enfin, pour que la loi qui interdit aux citoyens trop jeunes de faire partie de l’Assemblée soit strictement maintenue, il faut établir que tous les citoyens parvenus à l’âge de trente ans, et qui ne sont exclus du gouvernement par aucune loi, devront faire inscrire leur nom sur un registre en présence des syndics et recevoir de ces magistrats, moyennant une rétribution déterminée, quelque marque de l’honneur qui leur est conféré ; cette formalité remplie, ils seront autorisés à porter un ornement à eux seuls réservé, et qui leur servira de signe distinctif et honorifique. En même temps une loi défendra à tout patricien d’élire un citoyen dont le nom ne serait pas porté sur le registre en question, et cela sous une peine sévère. En outre, nul n’aura la faculté de refuser l’office ou la fonction qui lui sera conférée par l’élection. Enfin, pour que toutes les lois absolument fondamentales de l’État soient éternelles, il sera établi que si dans l’Assemblée suprême quelqu’un soulève une question sur une loi de cette nature en proposant par exemple de prolonger le commandement d’un général d’armée, ou de diminuer le nombre des patriciens, ou telle autre chose semblable, à l’instant même il soit accusé du crime de lèse-majesté, puni de mort, ses biens confisqués, et qu’il reste, pour la mémoire éternelle de son crime, quelque signe public et éclatant du supplice. Quant aux autres lois de l’État, il suffira qu’aucune loi ne puisse être abrogée, aucune loi nouvelle introduite, si d’abord le conseil des syndics, et ensuite les trois quarts ou les quatre cinquièmes de l’Assemblée suprême ne sont tombés d’accord sur ce point.


Syndicis igitur, quorum officium, uti diximus, est observare, ut imperii iura inviolata serventur, haec emolumenta decernenda sunt, videlicet ut unusquisque paterfamilias, qui in aliquo imperii loco habitat, quotannis nummum parvi valoris, nempe argenti unciae quartam partem solvere teneatur syndicis, ut inde numerum inhabitantium cognoscere possint, atque adeo observare, quotam eius partem patricii efficiant. Deinde ut unusquisque patricius tyro, ut electus est, syndicis numerare debeat summam aliquam magnam, ex. gr. viginti aut viginti quinque argenti libras. Praeterea pecunia illa, qua absentes patricii (qui scilicet convocato concilio non interfuerunt) condemnantur, syndicis etiam decernenda est, et insuper ut pars bonorum delinquentium ministrorum, qui eorum iudicio stare tenentur, et qui certa pecuniae summa mulctantur, vel quorum bona proscribuntur, iisdem dedicetur, non quidem omnibus, sed iis tantummodo, qui quotidie sedent, et quorum officium est syndicorum concilium convocare, de quibus vide art. 28. huius cap. Ut autem syndicorum concilium suo semper numero constet, ante omnia in supremo concilio, solito tempore convocato, de eo quaestio habenda est. Quod si a syndicis neglectum fuerit, ut tum ei, qui senatui (de quo mox erit nobis dicendi locus) praeest, supremum concilium ea de re monere incumbat, et a syndicorum praeside silentii habiti causam exigere, et quid de ea supremi concilii sententia sit, inquirere. Quod si is etiam tacuerit, ut causa ab eo, qui supremo iudicio praeest, vel eo etiam tacente ab alio quocumque patricio suscipiatur, qui tam a syndicorum, quam senatus et iudicum praeside silentii rationem exigat. Denique ut lex illa, qua iuniores secluduntur, stricte etiam observetur, statuendum est, ut omnes, qui ad annum aetatis trigesimum pervenerunt, quique expresso iure a regimine non secluduntur, suum nomen in catalogo coram syndicis inscribi curent, et accepti honoris signum quoddam, statuto aliquo pretio, ab iisdem accipere, ut ipsis liceat certum ornatum, iis tantummodo concessum, induere, quo dignoscantur et in honore a reliquis habeantur ; et interim iure constitutum sit, ut in electionibus nulli patricio quenquam nominare liceat, nisi cuius nomen in communi catalogo inscriptum est, idque sub gravi poena. Et praeterea ne cuiquam liceat officium sive munus, ad quod subeundum eligitur, recusare. Denique ut omnia absolute fundamentalia imperii iura aeterna sint, statuendum est, si quis in supremo concilio quaestionem de iure aliquo fundamentali moverit, utpote de prolonganda alicuius ducis exercitus dominatione, vel de numero patriciorum minuendo, et similibus, ut reus maiestatis sit, et non tantum mortis damnetur, eiusque bona proscribantur, sed ut supplicii aliquod signum in aeternam rei memoriam in publico emineat. Ad reliqua vero communia imperii iura stabiliendum sufficit, si modo statuatur, ut lex nulla abrogari nec nova condi possit, nisi prius syndicorum concilium, et deinde supremi concilii tres quartae aut quatuor quintae partes in eo convenerint.


[1Voyez Traité politique, VIII, §29 et suivants.

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