EII - Proposition 9

  • 12 avril 2004

L’idée d’une chose singulière existant en acte a pour cause Dieu non en tant qu’il est infini, mais en tant qu’on le considère comme affecté de l’idée d’une autre chose singulière existant en acte, idée de laquelle Dieu est cause pareillement en tant qu’il est affecté d’une troisième, et ainsi à l’infini.

DÉMONSTRATION

L’idée d’une chose singulière existant en acte est un mode singulier du penser et distinct des autres (Coroll. et Scolie de la Prop. 8) et ainsi a pour cause Dieu en tant seulement qu’il est considéré comme chose pensante (Prop. 6). Non cependant (Prop. 28, p. I) en tant qu’il est chose pensante absolument, mais en tant qu’il est considéré comme affecté d’un autre mode de penser ; et de ce dernier pareillement Dieu est cause en tant qu’il est affecté d’un autre, et ainsi à l’infini. Or l’ordre et la connexion des idées (Prop. 7) sont les mêmes que l’ordre et la connexion des choses [1] ; l’idée d’une certaine chose singulière a donc pour cause une autre idée, c’est-à-dire Dieu en tant qu’on le considère comme affecté d’une autre idée, et cette autre idée pareillement a pour cause Dieu en tant qu’il est affecté d’une troisième, et ainsi à l’infini. C.Q.F.D. [*]


Idea rei singularis actu existentis Deum pro causa habet non quatenus infinitus est sed quatenus alia rei singularis actu existentis idea affectus consideratur cujus etiam Deus est causa quatenus alia tertia affectus est et sic in infinitum.

DEMONSTRATIO :

Idea rei singularis actu existentis modus singularis cogitandi est et a reliquis distinctus (per corollarium et scholium propositionis 8 hujus) adeoque (per propositionem 6 hujus) Deum quatenus est tantum res cogitans, pro causa habet. At non (per propositionem 28 partis I) quatenus est res absolute cogitans sed quatenus alio cogitandi modo affectus consideratur et hujus etiam Deus est causa quatenus alio cogitandi modo affectus est et sic in infinitum. Atqui ordo et connexio idearum (per propositionem 7 hujus) idem est ac ordo et connexio causarum ; ergo unius singularis ideæ alia idea sive Deus quatenus alia idea affectus consideratur, est causa et hujus etiam quatenus alia affectus est et sic in infinitum. Q.E.D.


[1Des causes .

[*(Saisset) : L’idée d’une chose particulière et qui existe en acte a pour cause Dieu, non pas en tant qu’il est infini, mais en tant qu’on le considère comme affecté de l’idée d’une autre chose particulière et qui existe en acte, idée dont Dieu est également la cause, en tant qu’affecté d’une troisième idée, et ainsi à l’infini. Démonstration L’idée d’une chose particulière et qui existe en acte est un mode particulier de la pensée, distinct de tous les autres modes (par le Corollaire et le Scol. de la Propos. 8) ; et par conséquent (en vertu de la Propos. 6) elle a pour cause Dieu considéré seulement comme chose pensante ; non pas comme chose absolument pensante (par la Propos. 28, partie 1), mais comme affecté d’un autre mode de la pensée, lequel a aussi pour cause Dieu comme affecté d’un autre mode de la pensée, et ainsi à l’infini. Or l’ordre et la connexion des idées est le même (par la Propos. 7) que l’ordre et la connexion des causes. Donc, la cause d’une idée particulière, c’est toujours une autre idée, ou Dieu comme affecté de cette autre idée, laquelle a pour cause Dieu comme affecté d’une troisième idée et ainsi à l’infini. C.Q.F.D.

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