EIV - Proposition 26

  • 16 juin 2004

Tout effort dont la Raison est en nous le principe n’a d’autre objet que la connaissance ; et l’Âme, en tant qu’elle use de la Raison, ne juge pas qu’aucune chose lui soit utile, sinon ce qui conduit à la connaissance.

DÉMONSTRATION

L’effort pour se conserver n’est rien sinon l’essence de la chose même (Prop. 7, p. III) qui, en tant qu’elle existe telle qu’elle est, est conçue comme ayant une force pour persévérer dans l’existence (Prop. 6, p. III) et faire les actions qui suivent nécessairement de sa nature telle qu’elle est donnée (Déf. de l’Appétit dans le Scolie de la Prop. 9, p. III). Mais l’essence de la Raison n’est rien d’autre que notre Âme en tant qu’elle connaît clairement et distinctement (Scolie 2 de la Prop. 40, p. II). Donc (Prop. 40, p. II) tout effort dont la Raison est le principe n’a d’autre objet que la connaissance. De plus, comme cet effort par lequel l’Âme, en tant que raisonnable, s’efforce de conserver son être n’est rien que connaissance (par la première partie de cette démonstration), cet effort pour connaître est donc (Coroll. de la Prop. 22) la première et unique origine de la vertu, et nous ne nous efforçons pas de connaître les choses en vue d’une fin quelconque (Prop. 25) ; mais, au contraire, l’Âme, en tant que raisonnable, ne pourra concevoir aucune chose qui soit bonne pour elle, sinon ce qui conduit à la connaissance (Déf. 1). C.Q.F.D. [*]


Quicquid ex ratione conamur, nihil aliud est quam intelligere nec mens quatenus ratione utitur, aliud sibi utile esse judicat nisi id quod ad intelligendum conducit.

DEMONSTRATIO :

Conatus sese conservandi nihil est præter ipsius rei essentiam (per propositionem 7 partis III) quæ quatenus talis existit, vim habere concipitur ad perseverandum in existendo (per propositionem 6 partis III) et ea agendum quæ ex data sua natura necessario sequuntur (vide definitionem appetitus in scholio propositionis 9 partis III). At rationis essentia nihil aliud est quam mens nostra quatenus clare et distincte intelligit (vide ejus definitionem in II scholio propositionis 40 partis II). Ergo (per propositionem 40 partis II) quicquid ex ratione conamur, nihil aliud est quam intelligere. Deinde quoniam hic mentis conatus quo mens quatenus ratiocinatur suum esse conatur conservare, nihil aliud est quam intelligere (per primam partem hujus) est ergo hic intelligendi conatus (per corollarium propositionis 22 hujus) primum et unicum virtutis fundamentum nec alicujus finis causa (per propositionem 25 hujus) res intelligere conabimur sed contra mens quatenus ratiocinatur nihil sibi bonum esse concipere poterit nisi id quod ad intelligendum conducit (per definitionem 1 hujus). Q.E.D.


[*(Saisset :) Nous ne tendons par la raison à rien autre chose qu’à comprendre, et l’âme, en tant qu’elle se sert de la raison, ne juge utile pour elle que ce qui la conduit à comprendre. Démonstration L’effort d’un être pour se conserver n’est rien autre chose que son essence (par la Propos. 7, part. 3), cet être, par cela seul qu’il existe de telle façon, étant conçu comme doué d’une force par laquelle il persévère dans l’existence (par la Propos. 6, part. 3) et agit suivant le cours nécessaire de sa nature déterminée (voy. la Déf. de l’appétit dans le Scol. de la Propos. 9, part. 3). Or l’essence de la raison n’est autre chose que notre âme, en tant qu’elle comprend clairement et distinctement (voyez-en la Déf. dans le Scol. 2 de la Propos. 40, part. 2). Par conséquent (en vertu de la Propos. 40, part. 2) tout l’effort de notre raison ne va qu’à un seul but, qui est de comprendre. Maintenant, puisque l’effort de l’âme pour conserver son être ne va, en tant qu’elle exerce sa raison, qu’à comprendre (comme on vient de le démontrer), cet effort pour comprendre est donc (par le Coroll. de la Propos. 22) le premier et l’unique fondement de la vertu, et conséquemment ce ne sera pas en vue de quelque autre fin que nous nous efforcerons de comprendre les choses (par la Propos. 25) ; mais, au contraire, l’âme, en tant qu’elle use de sa raison, ne pourra concevoir comme bon pour elle que ce qui sera un moyen de comprendre (par la Déf. 1). C. Q. F. D.

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