EIV - Proposition 68 - scolie

  • 28 juin 2004

Que l’hypothèse de cette Proposition est fausse et ne peut se concevoir qu’autant qu’on considère la nature humaine seule, ou plutôt Dieu non en tant qu’il est infini mais en tant seulement qu’il est la cause pour quoi l’homme existe, cela est évident par la Proposition 4. C’est là, avec d’autres vérités par nous déjà démontrées, ce que Moïse paraît avoir voulu signifier dans cette histoire du premier homme. Il n’y conçoit en effet d’autre puissance de Dieu que celle qui lui sert à créer l’homme, c’est-à-dire une puissance pourvoyant uniquement à l’utilité de l’homme ; et, suivant cette conception, il raconte que Dieu a interdit à l’homme libre de manger [le fruit] de l’arbre de la connaissance du bien et du mal et que, sitôt qu’il en mangerait, il devait craindre la mort plutôt que désirer vivre ; puis qu’ayant trouvé la femme, qui s’accordait pleinement avec sa nature, l’homme connut n’y avoir rien dans la Nature qui pût lui être plus utile ; mais qu’ayant cru les bêtes semblables à lui, il a commencé tout aussitôt d’imiter leurs affections (voir Prop. 27, p. III) et de perdre sa liberté ; liberté recouvrée plus tard par les Patriarches sous la conduite de l’Esprit du Christ, c’est-à-dire de l’idée de Dieu, de laquelle seule dépend que l’homme soit libre et qu’il désire pour les autres hommes le bien qu’il désire pour lui-même, comme nous l’avons démontré plus haut (Prop. 37). [*]


Hujus propositionis hypothesin falsam esse nec posse concipi nisi quatenus ad solam naturam humanam seu potius ad Deum attendimus, non quatenus infinitus sed quatenus tantummodo causa est cur homo existat, patet ex 4 propositione hujus partis. Atque hoc et alia quæ jam demonstravimus, videntur a Mose significari in illa primi hominis historia. In ea enim nulla alia Dei potentia concipitur quam illa qua hominem creavit hoc est potentia qua hominis solummodo utilitati consuluit atque eatenus narratur quod Deus homini libero prohibuerit ne de arbore cognitionis boni et mali comederet et quod simulac de ea comederet, statim mortem metueret potius quam vivere cuperet. Deinde quod inventa ab homine uxore quæ cum sua natura prorsus conveniebat, cognovit nihil posse in natura dari quod ipsi posset illa esse utilius sed quod postquam bruta sibi similia esse credidit, statim eorum affectus imitari inceperit (vide propositionem 27 partis III) et libertatem suam amittere quam Patriarchæ postea recuperaverunt ducti spiritu Christi hoc est Dei idea a qua sola pendet ut homo liber sit et ut bonum quod sibi cupit, reliquis hominibus cupiat, ut supra (per propositionem 37 hujus) demonstravimus.


[*(Saisset :) Il est évident, par la Propos. 4, que l’hypothèse contenue dans la Proposition qu’on vient de démontrer est fausse et ne peut se concevoir, si ce n’est toutefois en tant que l’on regarde seulement la nature humaine, ou plutôt Dieu, considéré non comme infini, mais comme cause de l’existence de l’homme. Et c’est là une vérité qu’il semble que Moïse ait voulu représenter, ainsi que quelques autres déjà démontrées, dans son histoire du premier homme. On n’y trouve en effet d’autre puissance conçue en Dieu que celle dont il a fait usage en créant l’homme, c’est-à-dire en veillant aux seuls intérêts de l’homme ; et c’est dans ce sens qu’il faut entendre ce récit de Moïse, que Dieu défendit à l’homme libre de manger le fruit de l’arbre de la science du bien et du mal, et lui déclara qu’aussitôt qu’il en mangerait, il craindrait aussitôt la mort plus qu’il ne désirerait la vie. Vient ensuite cet autre récit, que l’homme, ayant trouvé une épouse, laquelle convenait parfaitement à sa nature, reconnut qu’il ne pouvait y avoir dans la nature rien qui lui fût plus utile ; mais dès qu’il crut que les bêtes étaient des êtres semblables à lui, il commença aussitôt d’imiter leurs passions (voyez la Propos. 27, part. 3) et de perdre sa liberté. Plus tard, cette liberté a été recouvrée par les patriarches guidés par l’esprit du Christ, c’est-à-dire par l’idée de Dieu, qui seule peut faire que l’homme soit libre et qu’il désire pour les autres le bien qu’il désire pour soi-même, comme on l’a démontré plus haut (par la Propos. 37).

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