La politique et l’histoire sont deux thèmes essentiels pour l’homme qui a toujours tenté de les comprendre et de les expliquer. Que devons nous donc saisir lorsque Merleau-Ponty, philosophe du XX eme siècle, nous annonce que le scepticisme dans l’histoire ne permet pas le fonctionnement libéré de la politique ? Autrement dit que les a priori, dans l’histoire, limitent notre liberté politique. En effet, par la notion de scepticisme historique le philosophe entend une forme de rigidité, une histoire de l’a priori et du classement, conforme à un plan. Quand à la liberté politique, elle désigne la liberté des actions et choix humains, qui selon Merleau-Ponty sont entravés par le scepticisme. Dans un premier temps nous allons tenter de comprendre et d’analyser la réflexion du philosophe. Nous verrons donc comment le philosophe définit le scepticisme historique et son influence sur la politique. Cette définition est faite en trois temps : l’annonce de la thèse du sceptique, la dénonciation de l’hypocrisie de celle-ci, pourtant montrée comme réaliste, et enfin la classification des phénomènes que met en place implicitement la politique sceptique. Nous montrerons ensuite que Merleau-Ponty dénonce le scepticisme comme conservateur. Enfin, nous verrons comment l’auteur propose des solutions dans le rapport de la politique à l’histoire, prenant ici pour exemple les hommes et leur rapport à l’histoire et la société. Dans un second temps nous analyserons la thèse implicite et opposé à celle de l’auteur : Seule une politique septique et donc en rapport avec l’histoire et le passé peut permettre un progrès dans la politique actuelle.

« La politique ne doit-elle pas renoncer à se fonder sur une philosophie de l’histoire, et , prenant le monde comme il est, quels que soient nos vœux, nos jugements ou nos rêves, définir ses fins et ses moyens d’après ce que les faits autorisent ? ». Ainsi Merleau-Ponty nous lance sur la réflexion de l’influence de l’histoire sur la politique et la piste d’une possible définition du scepticisme historique.Il interroge tout d’abord le rapport entre politique et histoire, les deux thèmes de son texte qui font ici office d’introduction. En effet, c’est un rapport très complexe qui unis ces deux notions fondamentales de nos sociétés. Il débute donc sa réflexion par l’annonce de la thèse du septique, celle qu’il veut combattre. C’est pour lui l’homme réaliste, qui traite les phénomènes historiques dans un ordre de priorité établis. Ainsi la première phrase soutient la thèse selon laquelle la politique doit traiter les phénomènes suivant un ordre, c’est à dire traiter en priorité les phénomènes majeurs qui se présentent sans ce soucier des conditions présentes. On peut pour éclairer cette affirmation prendre un exemple actuel : la crise économique. La position du septique face à ce problème serait de dire qu’il faut s’occuper de la crise aujourd’hui et maintenant, oublier ses rêves, ses promesses, ses vœux, et ne traiter que le soucis principal de notre société actuelle ; c’est à dire celui qui concerne la plus grande partie des individus. Merleau-Ponty annonce donc, à travers la parole du sceptique, une des caractéristiques de la politique qui est pour lui de gérer les problèmes auxquels sont confrontés les hommes. Le septique est donc, selon l’auteur, celui qui souhaite une politique réaliste mais qui la fonde sur les a priori, se référant à des faits passés sans étudier l’évolution et les conséquences de ceux ci dans le présent. Ensuite, il dénonce le sceptique comme réaliste mais hypocrite. En effet, si le scepticisme historique peut être qualifié de réaliste, car il semble traiter les aspects prioritaires, il opère tout de même des choix, afin de décider de quel phénomène il va s’occuper en priorité. Par exemple si nous prenons le cas d’un capitaliste, il choisira de d’abord faire remonter l’économie avant même de se préoccuper du système de santé. Ainsi il va renflouer les banques mais réduire le budget des maisons de retraite et des hôpitaux. Le scepticisme historique est donc définit par Merleau-Ponty comme une vision des phénomènes historiques assez peut objective. S’il vise la réalité, en traitant les aspects essentiels pour le sens commun et surtout pour lui même, il opère tout de même des choix et donc des jugements ; qui correspond à différentes politiques. C’est finalement sur l’une des caractéristiques principales de l’homme que Merleau-Ponty fonde sa réflexion. En effet comme nous pouvons le voir dans le mythe de Prométhée par Platon, l’homme ne possède pas d’instinct ni de caractéristiques stéréotypés et immuables, il est donc obligé de faire des choix qui lui sont propres, puisque non présent dans sa nature même. Le septique, influencé par le passé, va donc aborder le présent avec certains a priori. Ainsi on peut dire qu’une politique sceptique met en place une classification des phénomènes. Celle ci se fait plus ou moins implicitement mais elle est bien présente. En effet, du point de vue du septique, « Il faut bien, pour régler l’action, considérer certains faits comme dominants et d’autres comme secondaires ». Face à plusieurs problèmes politiques majeurs l’homme est en effet obligé de procéder à un classement. Il ne peut pas traiter tous les phénomènes dans le même temps s’il veut véritablement les résoudre. Une division et un ordre dans le traitement semblent donc essentiels. Une politique septique peut donc être vue comme honteuse puisque totalement subjective, et c’est dans ce constat que s’installe Merleau-Ponty. On peut par exemple s’appuyer sur le cas du régime Nazi, phénomène marquant de notre histoire. On à vu par rapport aux actions de ce système politique naître des réactions de négationnisme visant à nier les faits. C’est donc une histoire erronée qui nous à été raconté durant de nombreuses années. Le scepticisme, par son classement des phénomènes influence les informations qui sont livrés à l’homme en leurs donnant une ordre dont celui-ci ignore la provenance. Il limite donc la liberté politique, au sens de l’action humaine. Cette façon de penser l’histoire et la politique fait ici office d’introduction et est ici parfaitement exposé par l’auteur. L’explication claire qu’il donne lui permet par la suite de mieux discréditer le scepticisme historique au profit de sa propre thèse quand au rapport de l’histoire à la politique.

Par ailleurs, on peut dans la suite du texte déceler une seconde critique du scepticisme historique. Merleau-Ponty dénonce cette philosophie de l’histoire car il la juge conservatrice. Pour lui, contraindre les hommes a abandonner tout leurs rêves et projets c’est suggérer qu’il ne faut rien changer. En effet, si comme nous venons de le voir le scepticisme porte dans son essence même un rapport important avec le passé, c’est bien dans un but de conservation. Son attention étant porté sur des faits passés, il fige l’avenir et rejette le changement. C’est donc pour l’auteur une nouvelle raison de contredire cette philosophie de l’histoire qui est pour lui source de contrainte.

Ainsi nous avons pu voir que Merleau-Ponty utilise le début de son texte pour clairement nous donner sa définition du scepticisme historique. Mais cette explication n’est pas anodine, elle est pour lui une invitation au débat qui va lui permettre, dans la seconde partie de son texte, de nous donner sa vision du rapport de l’histoire à la politique.

C’est tout d’abord sur la notion de réalisme que l’auteur va porter son regard. En effet, s’y l’on veut atteindre le réalisme, il faut, nous dit l’auteur, « rejeter tout les postulats, toute philosophie a priori de l’histoire », et surtout prendre conscience des influences qui pèsent sur l’homme. Autrement dit, si nous voulons percevoir la réalité de notre histoire il faut l’appréhender sans aucun a priori et donc la recevoir comme elle vient, dans sa pure neutralité. C’est ici le point central de la philosophie de Merleau-Ponty : aborder les phénomènes simplement, sans se préoccuper des causes extérieures ou du passé. Cette philosophie de l’histoire est donc complètement opposé au scepticisme, elle vise une objectivité complète et sans aucune hypocrisie. Mais cette objectivité n’est possible que sous certaines conditions que nous livre l’auteur. L’homme doit selon lui se confronter à la réalité de sa condition et affronter toutes les influences qui pèsent sur lui. Le philosophe inclus par ailleurs à sa réflexion l’importance des médias. Ces « quelques habiles » qui connaissent l’homme et qui le manipulent « à des fins ignorés » par lui même. La puissance médiatique est en effet un phénomène de plus en plus important qui peut être rapproché du scepticisme historique : il classe les phénomènes et les expose à sa façon en apportant son propre jugement. C’est donc une fois de plus une limite à la liberté politique des hommes, qui, du fait de l’intervention des médias, ne peuvent accéder à l’information première, dénoué de tout jugement. Ensuite, Merleau-Ponty considère qu’il n’y aurais pas d’histoire si tout les phénomènes suivaient un fil prédéfinit. Mais cependant, il n’y aurais pas plus d’histoire si tout était absurde. En d’autres termes, la notion d’histoire suppose le hasard, mais pas le non-sens. Si tout était définit par avance, les phénomènes historiques exceptionnels ne seraient pas considérés comme tel. Mais si tout était absurde et dépourvu de sens, on ne se poserais pas la question de l’importance des événements historiques. C’est ici l’un des grands paradoxes de l’histoire que soulève le philosophe : Est elle rationnelle, dirigé par un plan et suivant une continuité, ou est elle au contraire le lieu de la liberté humaine. L’auteur ne répond pas fermement à cette question, il se contente de l’évoquer pour donner du corps à sa réflexion. Cependant, cette ébauche de définition est pour lui l’occasion de nous proposer sa solution quand à la complexité du rapport entre histoire et politique. Ainsi, la seule solution pour Merleau-Ponty est de se consacrer au présent de manière complète et fidèle, sans préjuger le sens des phénomènes, et en prenant en compte autant ce qui paraît sérieux que se qui se rapproche du chaos et du non-sens. L’homme doit donc être simplement spectateur de ce qui se passe sous ses yeux, et doit en permanence rester attentif afin de « discerner en lui une direction et une idée, là où elles se manifestent ». Autrement dit, pour que le rapport entre histoire et politique soit le plus sain et le plus équilibré possible, il faut que l’homme se contente d’observer les phénomènes du présent, sans tenir compte des a priori, du passé, et des influences ou des avis extérieurs. Il doit par ailleurs saisir toute réaction qui se crée en lui afin d’obtenir sa direction et son idée quand à l’histoire. Il pourra ainsi prétendre à une totale liberté politique, l’histoire lui servant de support étant parfaitement objective à sa réception, et pouvant être modifié par son propre ressenti.

Finalement, ce texte est pour Merleau-Ponty une tentative d’explication du lien entre histoire et politique. Ainsi il va durant ce passage exposer sa philosophie dirigée par des axes majeurs : le rejet du préjugé et de l’a priori, une lecture neutre du présent et enfin une liberté d’action pour les hommes. Cependant, le début de ce texte met en lumière un problème. En effet, face à la philosophie de l’auteur, on trouve une façon de penser la politique et l’histoire bien différente : c’est celle du sceptique. Nous allons donc tenter de comprendre cet autre lien entre histoire et politique qui nous est proposé, lien en totale contradiction avec la version de Merleau-Ponty.

Ainsi, le scepticisme historique peut se définir comme une façon de penser le présent par rapport à des a priori et des préjugés qui viennent du passé. C’est dans une visé réaliste que certaines personnes préfèrent se référer au passé pour affronter leur présent. Nous allons donc tenter de comprendre le lien entre histoire et politique d’un point de vu sceptique et donc opposé à celui de Merleau-Ponty.

Dans un premier temps nous pouvons tous constater que nos actions présentes sont guidées par notre passé. Qui ne s’est jamais posé la question, avant d’agir, des conséquences que de telles actions ont déjà engendré auparavant ? C’est en effet une façon bien rassurante d’aborder le présent en essayant de prendre le moins de risques possible. La politique, au sens de l’action humaine, est donc dirigé par l’expérience du passé. On trouve beaucoup d’exemples de ce phénomène dans notre quotidien. Ainsi, si nous prenons le cas des élections présidentielles, on peut constater qu’un système politique sortant, et ayant mené des actions non appréciés dans le passé, sera remplacé, dès les élections suivantes, pas un parti politique opposé. Les citoyens tiennent donc compte de leurs expériences vécu dans le passé pour organiser leur future vie politique. On remarque donc ici assez bien l’un des lien qui uni l’histoire et la politique. En effet, sans histoire, les hommes pourraient se retrouver perdu pour organiser leurs actions présentes, il ressentent donc le besoin de classer les phénomènes marquants de leur histoire pour pouvoir les réinvestir dans le présent. L’homme est donc poussé à aborder le présent avec des a priori ou des préjugés qui resurgissent de leurs souvenirs face à des phénomènes qu’ils ont déjà vécu. Une politique sceptique semble donc nécessaire au bien être de la plus grande partie des hommes. On remarque par ailleurs que les actions passées laissent des traces dans nos vies présentes. L’histoire à donc une influence forte sur la politique. Ainsi peut on prendre l’exemple des deux guerres mondiales qui ont traumatisé les populations du XX eme siècle. Ce traumatisme à donc eu une répercussion négatives sur leur existence dans l’après guerre, leur présent étant sans cesse dirigé par la peur de réitérer les erreurs du passé. Cependant, nous sommes forcé de constater que ces deux conflits mondiaux ont aujourd’hui quelques conséquences positives dans notre politique. Les hommes, voulant éviter de revivre ces périodes de grand trouble, ont choisis de modifier le fonctionnement de leur société et de leurs systèmes de gouvernement. Ainsi avons nous pu voir la création de l’Union Européenne, ou encore la création de l’Otan. Ces deux systèmes d’alliances ont en effet pour but une unification des peuples et des cultures visant à éviter la formation de nouveaux conflits. Cet exemple nous montre donc que l’histoire est pour les hommes une source d’inspiration continu qui leur permet de mener de nouvelles actions en tenant compte de leurs expériences. Les actions humaines passées ont aussi des répercutions sur le présent, ce qui nous montre une fois de plus que le scepticisme historique permet une approche plus sereine et plus favorable du présent.

Ainsi, si comme nous pouvons le voir dans le mythe de Prométhée de Platon l’homme ne possède pas de caractéristiques immuables et stéréotypés, il sait apprendre de son passé pour mieux aborder le présent.

En conclusion, nous pouvons dire que histoire et politique sont deux notions qui renferment des liens très forts mais très complexes. En effet, même si les avis diffèrent sur la question, nous sommes forcés de constater que l’histoire à une influence sur la politique, celle ci n’est pas forcément positive mais est nécessairement présente. Une philosophie de l’histoire sceptique semble donc universelle même si elle est ici vivement repoussée par l’auteur. Il propose donc un certain nombre de solutions pour échapper à l’influence qu’il considère trop forte de l’histoire sur la politique et sur le présent. L’histoire est donc pour Merleau-Ponty le domaine de la liberté humaine. En effet les hommes sont libre dans sa construction et dans son exploitation, leur politique peut en tenir compte, ou l’ignorer.