Tchouang-Tseu

Po-lo prend soin des chevaux

Les chevaux ont des sabots pour fouler le givre et la neige. Ils ont une robe qui les protège de la bise et de la froidure. Ils broutent l’herbe, boivent l’eau, lèvent les pattes et galopent. Telle est la véritable nature des chevaux. Ils n’ont que faire des manèges et des écuries. Un jour Po-lo survint. Il déclara : « Je vais m’occuper des chevaux. » Il les brûla, les tailla, les perça, les brida ; il les lia avec des longes et des entraves ; il les parqua dans des boxes et des stalles. Il en mourut trois sur dix. Il leur fit endurer la faim et la soif ; il les contraignit à prendre le trot ou le galop. Il les accoutuma à s’aligner et à se mouvoir de concert ; il leur imposa, devant, la torture du mors et leur agita, derrière, la menace de la cravache. Il en mourut la moitié.

Tchouang-Tseu, chap. 9 (« Sabots de chaveaux »), trad. J. Lévi, p.77