Les dossiers

Sur Tarnac - autour d’un fait d’actualité

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L’avis de M. Onfray, paru dans Siné Hebdo" :
L'avis d'Onfray


Reportage de la rédaction de France culture, dans le 18/20 du 21/11/08, sur Tarnac et les inculpés du 11 novembre.

Tarnac (22/11/08)

Les neuf de Tarnac

LE MONDE, 20 novembre 08

Quand Mathieu B., 27 ans, se souvient de son arrestation, il a cette image, à la fois drôle et amère, d’hommes encagoulés de la police antiterroriste cherchant "des explosifs dans les pots de confiture de (sa) mère". Etudiant il y a encore peu en mastère de sociologie à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), il fait partie des neuf jeunes arrêtés le 11 novembre et mis en examen pour "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste". Cinq d’entre eux - "le noyau dur", pour le parquet - doivent, en plus, répondre du chef d’accusation de "dégradations en réunion sur des lignes ferroviaires dans une perspective d’action terroriste", les fameux sabotages de caténaires de la SNCF.

Ce n’est pas le cas de Mathieu. Il a été remis en liberté sous contrôle judiciaire, comme trois autres, après quatre jours de garde à vue. Des heures et des heures d’interrogatoire dont il retient ceci : "On est ton pote. On va te foutre en taule. On est d’accord avec toi. Tu as de la merde dans le cerveau parce que tu as lu des livres. On va aller te chercher un sandwich. Tu reverras jamais ton fils." Lorsque nous l’avons contacté, il a demandé un peu de temps pour réfléchir parce que "ce type d’expérience est assez difficile à relater".
Comme lui, la plupart des neuf interpellés sont des étudiants brillants ultradiplômés. Tous fichés pour leur appartenance, selon les mots de la ministre de l’intérieur, Michèle Alliot-Marie, à "l’ultragauche, mouvance anarcho-autonome". Julien Coupat - présenté par la police comme le chef de file et dont le nom a été mis en avant -, 34 ans, a fait une grande école de commerce, l’Essec, puis un DEA, avant d’enchaîner un début de doctorat à l’EHESS en histoire et civilisation. Au dire de son père, il envisageait de se lancer bientôt dans des études de médecine. Son amie, Yldune L., 25 ans, fille d’universitaire, a eu la mention très bien à son master d’archéologie. Benjamin R., 30 ans, a fait Sciences Po Rennes et a passé un an à l’université d’Edimbourg en sociologie du développement et responsabilité environnementale. A Rouen, Les plus jeunes, Elsa H., 23 ans, et Bertrand D., 22 ans, sont respectivement en première année de master d’anglais et en licence de sociologie. Trois se distinguent : Gabrielle H., 29 ans, inscrite depuis septembre dans une école d’infirmières, Manon G., 25 ans, musicienne, premier prix de clarinette dans son conservatoire, et Aria T., 26 ans, qui a longtemps joué le rôle d’une ado un peu rebelle dans une sitcom populaire en Suisse, Les Pique-Meurons.
Aucun n’est en rupture familiale. Les parents, dirigeant de laboratoire pharmaceutique, médecin, ingénieur, universitaire, prof ou de la classe moyenne, continuaient à les voir régulièrement. Yldune, l’étudiante en archéologie, incarcérée depuis sa mise en examen le 15 novembre, habitait encore chez son père et sa mère. Pas de rupture donc. Mais tous avaient décidé de vivre selon des canons différents de ceux de leur milieu, à l’écart de la société marchande.
Un jour de 2003, en quête d’une ferme "pas trop chère", Julien Coupat débarque dans le bureau de Jean Plazanet, alors maire communiste de Tarnac, un village de 335 habitants sur le plateau de Millevaches, en Corrèze. L’affaire est vite conclue : une bâtisse, des dépendances, 40 hectares. Le Goutailloux. "Ensuite, j’ai vu arriver un groupe de jeunes, très sympas, serviables", raconte avec enthousiasme Jean Plazanet.
Ils reprennent l’épicerie du hameau. La gérance est confiée à Benjamin R., qui a l’expérience de l’animation d’un lieu de vie alternatif pour avoir fait fonctionner un squat - l’Ekluserie - à Rennes. C’est le plus écolo de la bande. Entre 16 et 19 ans, il a travaillé bénévolement dans des associations de protection du gibier d’eau, des rapaces et des loutres. Il a brièvement présidé la fédération des Jeunes Verts européens.
A Tarnac, le groupe élève des moutons, des poules, des canards, ravitaille les personnes âgées alentour. "Je ne crois pas me tromper en disant que l’un des buts était de se donner les moyens matériels et affectifs de fuir la frénésie métropolitaine pour élaborer des formes de partage", dit Mathieu B.
Ils fuient le travail salarié, rejettent le système capitaliste et l’hyperconsommation. Sans concessions, ils bannissent les téléphones portables. Par refus de la sujétion, plaident-ils. Par souci de clandestinité, pense la police. Leur radicalité est dans leurs écrits, leurs lectures, leurs comportements, estiment amis et réseaux. Elle s’est traduite en actes, soupçonnent les enquêteurs qui les surveillaient depuis le printemps et affirment avoir vu deux d’entre eux à proximité d’une des caténaires endommagées la nuit du 8 novembre. Des "projets d’attentats consommés", a estimé le procureur de Paris, Jean-Claude Marin.
"Je suis un communiste, du temps de la Commune de Paris", a dit un jour Julien Coupat à son père. Les neuf se réservent de longues heures pour la lecture et l’écriture. Mais bougent aussi beaucoup. Certains font des milliers de kilomètres pour visiter des squats politiques, participer à des contre-rassemblements à l’occasion de G8 ou de sommets européens. Le 3 novembre, plusieurs se sont retrouvés à Vichy lors de la réunion des ministres de l’intégration des Vingt-Sept. Autant de manifestations qui se sont soldées par des heurts avec la police.
Julien Coupat ne réside pas à demeure à Tarnac, où est née la petite fille qu’il a eue avec Gabrielle H., il y a trois ans. A Paris, il fréquente les milieux intellectuels. Il a tissé des vrais liens avec le philosophe italien Giorgio Agamben, rencontré lors d’un séminaire. Ils jouent de temps à autre au football, le philosophe l’a aidé au moment du lancement de la revue Tiqqun en lui trouvant un imprimeur en Italie. Julien Coupat était membre du comité de rédaction de cette publication éphémère influencée par le situationnisme.
"Il est de la mouvance postsituationniste avec le langage qui va avec, c’est un très bon connaisseur de Guy Debord", souligne Luc Boltanski, directeur d’études à l’EHESS. "C’était un étudiant brillant, quelqu’un d’extrêmement gentil", poursuit le sociologue qui l’a distingué nommément dans la préface de son livre Le Nouvel Esprit du capitalisme (avec Eve Chiapello, Gallimard 1999). "Le genre de type qui en sait plus que ses profs, assure Eric Hazan, son ami depuis six ans. Pour lui, les modes d’action et les mots du passé sont à laisser tomber. Ce n’est pas un philosophe spéculatif." Cet éditeur parisien a publié L’insurrection qui vient (éd. La Fabrique, 2007), un ouvrage signé "Comité invisible", qui excite la curiosité policière depuis plusieurs mois. Le style relève de la littérature "situ" fascinée par l’émeute. Il y est évoqué le sabotage des voies de TGV pour bloquer la machine économique et créer un état de chaos "régénérateur". Julien Coupat est désigné comme l’auteur principal du livre. Le parquet de Paris lui attribue le rôle de penseur et de dirigeant d’un groupe terroriste. A ce titre, il encourt vingt ans de prison.

"Julien m’a dit : "Moi je veux vivre dans la frugalité", confie son père, un ancien médecin qui a cofondé un laboratoire pharmaceutique, aujourd’hui à la retraite. Il aurait pu devenir directeur financier de Barclay’s." Mais ce fils unique qui vit avec 1 000 euros par mois a tourné le dos à l’univers très cossu où il a grandi, dans les Hauts-de-Seine. "Quelque part, cela a dû être un formidable accélérateur de sa réflexion", réfléchit le père à haute voix, au milieu des riches demeures nichées dans une sorte d’enclave boisée. M. Coupat, qui a découvert Tarnac il y a un an, a acheté la maison jouxtant l’épicerie. Il a également acquis pour son fils, dans le 20e arrondissement de Paris, un ancien atelier d’artisan de 50 m2 qui devait héberger un futur projet de journal militant. Indûment présenté dans la presse comme un loft luxueux, il servait pour l’heure de refuge à Julien et Yldune.
Effondrés, choqués par l’étiquette "terroristes", les parents tentent de faire face, tétanisés à l’idée de "trahir" leurs enfants par une phrase maladroite, un mot de trop. En une semaine, ils ont dû tout apprendre : les avocats, les couloirs du palais, la pression des médias. La mère de Gabrielle H. a passé 72 heures en garde à vue. Celle d’Yldune revit en permanence la scène de sa fille tirée du lit, menottée, et tremblant si fort que les policiers ont appelé SOS-Médecins. A l’association d’archéologie dont elle est membre depuis huit ans, on s’offusque que des "pinces de forge", saisies lors des perquisitions, puissent être retenues comme des pièces à charge pour le sabotage des voies ferroviaires. "C’est une spécialiste du néolithique et du coulage du bronze, on l’a vue des dizaines de fois manier ces pinces pour ses recherches !", s’insurge un ami.
"J’ai lu tous les textes de Julien, je n’y ai jamais trouvé le moindre appel à homicide ou violence contre un individu, je suis révolté par tout ça", proteste le journaliste et chercheur Olivier Pascault, ancien condisciple de l’EHESS. Pour Giorgio Agamben, "on ne va pas les traiter comme les Brigades rouges, ça n’a rien à voir ! On cherche le terrorisme et on finit par le construire, tout ça pour répandre la peur chez les jeunes gens". Les avocats Irène Terrel, Steeve Montagne, Cédric Alepée, Dominique Vallès, dénoncent une incrimination terroriste "démesurée", la "faiblesse" des dossiers et rappellent l’absence de casier judiciaire de leurs jeunes clients.
A l’intérieur de l’atelier du 20e arrondissement, tout est figé, humide, en désordre. Sur la porte en contreplaqué, d’une écriture un peu enfantine, est inscrit : "Ceci est ma maison, éphémère comme les précédentes. Les objets sont à la place que je leur ai désigné. Demain je déménagerai et ils me suivront. D’eux ou de moi qui est le plus exilé ?" Un peu plus loin : "Je suis comme un soldat qui ne porte pas d’uniforme, qui a choisi de ne pas combattre mais qui se bat toute la nuit pour d’autres causes."

Isabelle Mandraud et Caroline Monnot


Terrorisme ou tragi-comédie

Giorgio Agamben philosophe italien.
Libération 19 nov. 2008

A l’aube du 11 novembre, 150 policiers, dont la plupart appartenaient aux brigades antiterroristes, ont encerclé un village de 350 habitants sur le plateau de Millevaches avant de pénétrer dans une ferme pour arrêter 9 jeunes gens (qui avaient repris l’épicerie et essayé de ranimer la vie culturelle du village). Quatre jours plus tard, les 9 personnes interpellées ont été déférées devant un juge antiterroriste et « accusées d’association de malfaiteurs à visée terroriste ». Les journaux rapportent que le ministre de l’Intérieur et le chef de l’Etat « ont félicité la police et la gendarmerie pour leur diligence ». Tout est en ordre en apparence. Mais essayons d’examiner de plus près les faits et de cerner les raisons et les résultats de cette « diligence ».
Les raisons d’abord : les jeunes gens qui ont été interpellés « étaient suivis par la police en raison de leur appartenance à l’ultra-gauche et à la mouvance anarcho autonome ». Comme le précise l’entourage de la ministre de l’Intérieur, « ils tiennent des discours très radicaux et ont des liens avec des groupes étrangers ». Mais il y a plus : certains des interpellés « participaient de façon régulière à des manifestations politiques », et, par exemple, « aux cortèges contre le fichier Edvige et contre le renforcement des mesures sur l’immigration ». Une appartenance politique (c’est le seul sens possible de monstruosités linguistiques comme « mouvance anarcho autonome »), l’exercice actif des libertés politiques, la tenue de discours radicaux suffisent donc pour mettre en marche la Sous direction antiterroriste de la police (Sdat) et la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). Or, qui possède un minimum de conscience politique ne peut que partager l’inquiétude de ces jeunes gens face aux dégradations de la démocratie qu’entraînent le fichier Edvige, les dispositifs biométriques et le durcissement de règles sur l’immigration.
Quant aux résultats, on s’attendrait à ce que les enquêteurs aient retrouvé dans la ferme de Millevaches des armes, des explosifs, et des cocktails Molotov. Tant s’en faut. Les policiers de la Sdat sont tombés sur « des documents précisant les heures de passage des trains, commune par commune, avec horaire de départ et d’arrivée dans les gares ». En bon français : un horaire de la SNCF. Mais ils ont aussi séquestré du « matériel d’escalade ». En bon français : une échelle, comme celles qu’on trouve dans n’importe quelle maison de campagne.
Il est donc temps d’en venir aux personnes des interpellés et, surtout, au chef présumé de cette bande terroriste, « un leader de 33 ans issu d’un milieu aisé et parisien, vivant grâce aux subsides de ses parents ». Il s’agit de Julien Coupat, un jeune philosophe qui a animé naguère, avec quelques-uns de ses amis, Tiqqun, une revue responsable d’analyses politiques sans doute discutables, mais qui compte aujourd’hui encore parmi les plus intelligentes de cette période. J’ai connu Julien Coupat à cette époque et je lui garde, d’un point de vue intellectuel, une estime durable.
Passons donc à l’examen du seul fait concret de toute cette histoire. L’activité des interpellés serait à mettre en liaison avec les actes de malveillance contre la SNCF qui ont causé le 8 novembre le retard de certains TGV sur la ligne Paris-Lille. Ces dispositifs, si l’on en croit les déclarations de la police et des agents de la SNCF eux-mêmes, ne peuvent en aucun cas provoquer des dommages aux personnes : ils peuvent tout au plus, en entravant l’alimentation des pantographes des trains, causer le retard de ces derniers. En Italie, les trains sont très souvent en retard, mais personne n’a encore songé à accuser de terrorisme la société nationale des chemins de fer. Il s’agit de délits mineurs même si personne n’entend les cautionner. Le 13 novembre, un communiqué de la police affirmait avec prudence qu’il y a peut-être « des auteurs des dégradations parmi les gardés a vue, mais qu’il n’est pas possible d’imputer une action à tel ou tel d’entre eux ».
La seule conclusion possible de cette ténébreuse affaire est que ceux qui s’engagent activement aujourd’hui contre la façon (discutable au demeurant) dont on gère les problèmes sociaux et économiques sont considérés ipso facto comme des terroristes en puissance, quand bien même aucun acte ne justifierait cette accusation. Il faut avoir le courage de dire avec clarté qu’aujourd’hui, dans de nombreux pays européens (en particulier en France et en Italie), on a introduit des lois et des mesures de police qu’on aurait autrefois jugées barbares et antidémocratiques et qui n’ont rien à envier à celles qui étaient en vigueur en Italie pendant le fascisme. L’une de ces mesures est celle qui autorise la détention en garde à vue pour une durée de quatre-vingt-seize heures d’un groupe de jeunes imprudents peut-être, mais auxquels « il n’est pas possible d’imputer une action ». Une autre tout aussi grave est l’adoption de lois qui introduisent des délits d’association dont la formulation est laissée intentionnellement dans le vague et qui permettent de classer comme « à visée » ou « à vocation terroriste » des actes politiques qu’on n’avait jamais considérés jusque-là comme destinés à produire la terreur.

Traduit de l’italien par Martin Rueff.


"Terroristes d’ultra-gauche" : Comment justice et presse prennent le train de la police

par Claude-Marie Vadrot, Politis.fr

Après les sabotages de lignes TGV le 8 novembre dernier, neuf personnes, bien vite présentées comme des "anarchistes d’ultra-gauche" par les médias et la police, ont été placées en garde à vue. Mais aucun élément n’est venu prouver leur culpabilité et de nombreuses questions restent en suspens.

Dimanche 16 novembre, neuf membres présumés d’une « cellule invisible » qualifiée « d’ultra-gauche, mouvance anarcho-autonome  » par la ministre de l’Intérieur, ont été mis en examen pour « destructions en réunion en relation avec une entreprise terroriste ». Quatre d’entre-eux ont été mis en liberté sous contrôle judiciaire et cinq incarcérés. Sans qu’il existe, en l’état actuel de l’enquête, la moindre preuve qu’ils aient de près ou de loin participé aux actes de malveillance qui avaient perturbé une semaine plus tôt le trafic des TGV Nord, Est et Sud-Est. Ce qui n’a pas empêché la plupart des médias de répéter les vraies-fausses informations répandues par les policiers pour accréditer l’existence d’un « groupe de terroristes », basé à Tarnac en Corrèze, en train de préparer des sabotages. Quelques informations méritent pourtant d’être examinées de plus près, d’autant qu’elles n’ont pas été répercutées par la presse.

Le groupe cellule invisible existe-t-il ?

Pour la Sous-direction anti-terroriste (SDAT) et pour la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), la réponse est positive depuis au moins sept mois, depuis qu’elles ont reçu instructions de « trouver des terroristes français  ». Mais ce groupe n’a jamais existé comme structure et le mot choisi à dessein par la police et la justice pour les désigner n’a été inspiré que par la signature collective d’un livre, « L’insurrection qui vient  » (éditions La Fabrique). Livre théorique plutôt fumeux qui n’a rien d’un « manuel de sabotage  ». Il n’a fait l’objet d’aucune procédure depuis sa parution, le 22 mars 2007, et reste en vente libre pour 7 euros. Une seule réalité : une partie des résidents de Tarnac participaient systématiquement à des manifestations depuis leur installation progressive en 2002.

Le rôle des services spéciaux américains

Le couple « principal » des accusés aurait été repéré en janvier 2008 dans une manifestation organisée devant le bureau de recrutement de l’armée américaine qui se trouve depuis des années sur Times Square, à Manhattan. Ni la première ni la dernière des manifestations dans ce lieu symbolique de New York. Quelques jours plus tard, le couple aurait été interpellé avant la frontière canadienne pour « défaut de papiers ». Premier mystère : ce serait bien la première fois, depuis septembre 2001, que des policiers américains laissent filer des étrangers avec des papiers suspects. Deuxième incohérence : dans leurs premières distillations « d’informations » aux journalistes, les policiers français expliquent que ce couple était soupçonné d’avoir participé à une dégradation du bureau de recrutement. Jusqu’à ce que l’on apprenne que « l’attentat » a eu lieu en avril, Julien et Yldune étant à cette époque revenu en France depuis des mois. La version officielle française dit pourtant que les services spéciaux américains ont (auraient) signalé le couple deux jours après « l’attentat ».

Un groupe sous surveillance ?

Oui. Selon nos informations, au moins depuis deux ans et demi, comme la plupart des groupes ou des individus participant régulièrement à des manifestations. La mise en fiche particulière, avec suivi par des officiers de police, des manifestants considérés comme « actifs » ou « récidivistes » a été ordonnée le 25 mars 2006 par Nicolas Sarkozy lors d’une réunion au ministère de l’Intérieur, au lendemain des premières manifestation anti-CPE. Michèle Alliot-Marie a pris le relais en étendant le système de suivi.

Le groupe était-il infiltré ?

La question se pose : à en croire ceux qui ont approché des membres du groupe, dans le XXe à Paris et en Corrèze, il n’aurait jamais été question, au delà des discours, du moindre passage à l’acte. Si la pose des fers à béton sur des caténaires est prouvée, ce qui n’est pas encore le cas, il se dit dans l’entourage du groupe que parmi les personnes relâchées (il y a eu 21 interpellation le 9 novembre au matin) figurerait un personnage qui a beaucoup insisté, il y a trois mois, pour un passage de la théorie à la pratique, idée qui rencontrait des résistances. L’histoire des milieux anarchistes est riche d’inflitrations-provocations dans lesquelles la police n’intervient qu’après l’acte illégal « suggéré ». Soupçons à rapprocher d’un témoignage accusateur sous X (anonymat donc garanti) fait « spontanément » jeudi dernier par un membre du « groupe » dans une brigade de gendarmerie du Puy-de-Dôme.

La ministre de l’Intérieur réinvente le délit d’opinion

Le 13 novembre, un représentant du Parquet de Paris a déclaré : « Les éléments recueillis ne permettent pas de les présenter comme coupables, le délit d’opinion n’est pas criminalisé en France  ». Le procureur de Paris, sur instructions, a estimé le contraire. Au début de l’enquête, le 8 au matin, les gendarmes ont annoncé disposer d’empreintes et de traces ADN. Dimanche, elles n’existaient plus. Les mises en examen, comme l’expliquent les avocats, ont donc été essentiellement faites sur des présomptions puisqu’en l’état actuel de l’enquête, il n’existe aucune preuve. Mais il est vrai que des policiers ont confié aux journalistes à propos de Julien : « Vous savez, il est très intelligent  ». Ce qui constitue sans aucun doute une circonstance aggravante.