CHAPITRE VI : De la vie de Dieu

  • 29 janvier 2007


Ce que les philosophes entendent communément par vie. - Pour bien faire connaître cet attribut de Dieu, à savoir la vie, il est nécessaire que nous expliquions d’une manière générale ce qui est désigné en chaque chose par la vie. Et en premier lieu nous examinerons l’opinion des Péripatéticiens. Ces philosophes entendent par vie la persistance de l’âme nutritive avec la chaleur ( voir Aristote, Traité de la respiration , livre I, chap. VIII.) Et, comme ils ont forgé trois âmes, savoir la végétative, la sensitive et la pensante, qu’ils attribuent seulement aux plantes, aux animaux et aux hommes, il s’ensuit, comme eux-mêmes l’avouent, que les autres êtres sont privés de vie. Et cependant ils n’osaient pas dire que les esprits et Dieu étaient sans vie. Ils craignaient peut-être de tomber dans ce qui est le contraire de la vie et que, si les esprits et Dieu étaient sans vie, ils ne fussent morts. C’est pourquoi Aristote dans la Métaphysique (livre XI, chapitre VII) donne encore une autre définition de la vie, particulière aux esprits, savoir : la vie est l’acte de l’entendement  ; et en ce sens il attribue la vie à Dieu qui perçoit par l’entendement et est acte pur. Nous ne nous fatiguerons guère à réfuter ces opinions ; car, pour ce qui concerne les trois âmes attribuées aux plantes, aux animaux et aux hommes, nous avons assez démontré qu’elles ne sont que des fictions, puisque nous avons fait voir qu’il n’y a rien dans la matière sinon des assemblages et des opérations mécaniques. Quant à la vie de Dieu, j’ignore pourquoi elle est dans Aristote plutôt l’acte de l’entendement que l’acte de la volonté ou d’autres semblables. N’attendant toutefois aucune réponse je passe à l’explication que j’ai promise, savoir : ce qu’est la vie.

A quelles choses la vie peut être attribuée. - Bien que ce mot soit souvent pris par métaphore pour signifier les mœurs d’un homme, nous nous contenterons d’expliquer brièvement ce qu’il désigne philosophiquement. Il faut noter seulement que, si la vie doit être attribuée aussi aux choses corporelles, rien ne sera sans vie ; si elle l’est seulement aux êtres où une âme est unie au corps, elle devra être attribuée seulement aux hommes et peut-être aux animaux, mais non aux esprits ni à Dieu, Comme cependant le mot vie s’étend communément davantage, il n’est pas douteux qu’il ne faille attribuer la vie même aux choses corporelles non unies à des esprits et à des esprits séparés du corps.

Ce qu’est la vie et ce qu’elle est en Dieu. - Nous entendons donc par vie , la force par laquelle les chose persévèrent dans leur être  ; et, comme cette force est distinct des choses elles-mêmes nous disons proprement que les choses elles-mêmes, ont de la vie, Mais la force par laquelle Dieu persévère dans son être n’est autre chose que son essence ; ceux-là parlent donc très bien qui disent que Dieu est la vie. Il ne manque pas de théologiens qui comprennent que c’est pour cette raison (que Dieu est la vie, et ne se distingue pas de la vie) que les Juifs quand ils juraient disaient : Par Dieu vivant et non : par la vie de Dieu , comme Joseph jurant par la vie de Pharaon disait : par la vie de Pharaon .


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