Chapitre XII

De l’Honneur, de la Honte et de l’Impudence.

  • 26 août 2006


(1) Nous parlerons maintenant brièvement de l’honneur, de la honte et de l’impudence.
Le premier est une certaine sorte de joie que quelqu’un ressent en lui-même quand il perçoit que sa façon d’agir est estimée et prisée par d’autres, sans qu’ils aient en vue aucun autre avantage ou profit.
La Honte est une certaine sorte de tristesse qui naît en quelqu’un quand il voit que sa façon d’agir est méprisée par d’autres, sans qu’ils aient égard à aucun détriment ou dommage subi ou à subir.
L’Impudence n’est pas autre chose qu’un manque ou un rejet de la honte ; dont l’origine n’est pas la Raison mais bien l’ignorance de la honte, comme chez les enfants et les sauvages, etc., ou la grande mésestime dans laquelle on a été tenu et qui fait qu’on passe par-dessus tout sans s’en inquiéter.

(2) Connaissant ces affections nous examinerons en même temps la vanité et l’imperfection qu’elles ont en elles. Car l’Honneur et la Honte, suivant ce que nous avons observé dans leur définition, non seulement n’ont rien de profitable mais, reposant sur l’égoïsme et sur cette opinion que l’homme est cause première de ses oeuvres et mérite blâme et louange, sont nuisibles et dignes de rejet.

(3) Je ne veux pas dire cependant qu’on doive vivre parmi les hommes comme on vivrait dans un monde étranger où ni l’honneur ni la honte n’auraient place ; au contraire je reconnais que non seulement il nous est permis d’en user quand nous les employons pour l’utilité et l’amélioration des hommes, mais que nous pouvons même le faire en restreignant notre propre liberté (à d’autres égards parfaite et légitime). Si par exemple quelqu’un s’habille somptueusement pour être par là considéré, il cherche un honneur qui naît de l’amour de soi sans avoir aucun égard à son prochain. Mais si quelqu’un voit mépriser et fouler aux pieds sa sagesse, par où il peut être utile à son prochain, simplement parce qu’il porte un méchant habit, il fait bien, s’il a dessein de leur porter assistance, de se pourvoir d’un vêtement qui ne puisse les choquer ; se rendant ainsi semblable à son prochain pour le conquérir.
Pour L’Impudence elle se montre à nous sous un aspect tel que, pour voir sa laideur, nous n’avons besoin que de sa définition, et cela nous suffira.


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