"La multitude libre", Sous la direction de Chantal Jaquet, Pascal Sévérac et Ariel Suhamy

  • 22 novembre 2008

Sommaire

Chantal Jaquet, Pascal Sévérac, Ariel Suhamy : Préface

Chantal Jaquet : L’actualité du Traité politique

Laurent Bove, Pierre-François Moreau, Charles Ramond : Le Traité politique une radicalisation conceptuelle ?

Paolo Cristofolini : Peuple et multitude dans le lexique politique de Spinoza

Vittorio Morfino : Spinoza interprète de Machiavel dans le Traité politique

François Zourabichvili : L’énigme de la « multitude libre »

Nicolas Israël : La question de la sécurité dans le Traité politique

André Martins : L’éthique dans le Traité politique : L’appartenance à l’État sans inertie

Frédéric Lordon : Derrière l’idéologie de la légitimité, la puissance de la multitude. Le Traité politique comme théorie générale des institutions sociales

Alexandre Matheron : Le pouvoir politique chez Spinoza

Préface

par Chantal Jaquet, Pascal Sévérac, Ariel Suhamy

Relégué pendant longtemps à l’arrière-plan, au profit de l’ Éthique et du
Traité théologico-politique, le Traité politique est aujourd’hui au coeur des
études spinozistes, comme le montrent la multiplication de nouvelles
éditions et traductions, en France et en Italie notamment. La focalisation
actuelle autour du concept de « multitude » et de son pouvoir instituant,
qui servent de référence à des penseurs politiques contemporains, comme Antonio Negri ou Étienne Balibar, explique en partie ce regain d’intérêt et
invite les commentateurs à revenir sur ce texte inachevé pour examiner les théories inédites qu’il développe.
C’est pourquoi il paraît nécessaire de faire le point sur la signification
exacte, la portée politique et la singularité des concepts qui émergent dans
le dernier ouvrage de Spinoza, et en particulier sur celui de « multitudo »
qui prend une place de plus en plus centrale dans la définition des
fondements du pouvoir, au moment même où la théorie du contrat est en recul
et semble définitivement disparaître de l’horizon de pensée du philosophe
hollandais. Cet ouvrage [1] se veut ainsi l’écho des recherches actuelles sur
le Traité politique et des discussions autour de son interprétation.
Après l’examen par Chantal Jaquet des raisons qui expliquent l’actualité du
Traité politique , le livre s’ouvre sur une discussion entre les trois
derniers traducteurs et éditeurs français. Pierre-François Moreau, Laurent
Bove et Charles Ramond se penchent d’abord sur le statut du Traité
politique
, ses rapports avec l’Éthique et surtout avec le Traité
théologico-politique
pour déterminer si les changements manifestes
(disparition de la notion de contrat et de théocratie, apparition du concept
de multitude et traitement particulier de la question des différents
régimes) traduisent une véritable rupture ou s’expliquent par le changement
de contexte historique ou d’angle d’analyse. Ils confrontent ensuite les
problèmes de traduction que leur ont posé les principaux concepts (imperium,
civitas, jus) de la pensée politique de Spinoza : il est difficile
d’établir un système cohérent d’équivalence entre les lexiques
latin et français qui rende la complexité et la précision de la
terminologie spinozienne.
En Italie, les traducteurs et interprètes se heurtent à des difficultés
analogues : Paolo Cristofolini s’interroge sur le sens du terme latin « 
multitudo » et sur la pertinence de sa traduction par « multitude », en se
fondant sur des considérations lexicales et sur la référence à Hobbes et
Machiavel. Vittorio Morfino étudie cette référence à Machiavel, qui est
l’une des originalités du Traité politique, d’autant plus remarquable que
l’auteur du Prince est l’un des très rares écrivains dont il fait
explicitement l’éloge.
Attirant l’attention sur le syntagme de « multitude libre », François
Zourabichvili souligne le caractère énigmatique de cette expression et
s’interroge sur les conditions dans lesquelles une multitude devient libre.
Cette question est d’autant plus cruciale que dans le Traité politique, plus
encore que dans le Traité théologico-politique une tension s’installe entre
les deux grandes finalités de l’État : liberté et sécurité. Nicolas Israël
s’attache à la question de la sécurité pour montrer qu’elle est
indissociable d’une pensée de la temporalité et fait apparaître la
positivité d’une crainte clairvoyante opposée à la peur aveuglante. De son
côté André Martins s’interroge sur « l’appartenance à l’État sans inertie »
et sur la possibilité de concilier obéissance et liberté à travers une
analyse de l¹affectivité politique.
Frédéric Lordon met à son tour l’accent sur la dimension d’auto-affection de
la multitude pour rendre raison de la mise en place des institutions
sociales et du consensus sur lequel elles reposent. Il s’appuie sur le
modèle spinoziste d’une puissance immanente du corps politique pour dénoncer
les fictions liées à l’idée d’une légitimité de ces institutions : il dégage
ainsi les implications actuelles du concept de multitude.
Ce renouveau des études sur le Traité politique est particulièrement
redevable aux travaux fondateurs d’Alexandre Matheron, dont nous sommes
heureux de publier un texte inédit, qui analyse la genèse de l’État et le
processus par lequel la société politique s’auto-reproduit.


[1Cet ouvrage est issu d’un séminaire autour des nouvelles lectures du
Traité politique tenu à l’Université de Paris-I, Panthéon-Sorbonne en
2004-2005, de conférences et d¹une table ronde qui a eu lieu en 2006.

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