PPD - III - Préface

  • 23 octobre 2006


Après cette exposition des principes les plus universels des choses naturelles, il nous faut passer maintenant à l’explication des choses qui en découlent. Toutefois, comme ces dernières sont trop nombreuses pour que notre esprit puisse les parcourir toutes par la pensée et que nous ne sommes point déterminés par elles à considérer les unes plutôt que les autres, il nous faut avant tout présenter ici une courte histoire des principaux Phénomènes dont nous recherchions les causes. Cette histoire se trouve dans la partie III des Principes, depuis l’Article 5 jusqu’à l’Article 15. Et de l’Article 20 à l’Article 43 est proposée l’hypothèse que Descartes juge la plus commode non seulement pour concevoir lés Phénomènes célestes, mais encore pour en chercher les causes naturelles.

En outre, comme, pour connaître la nature des plantes ou de l’homme, la meilleure voie est de considérer de quelle façon ils naissent et sont engendrés peu à peu de certaines semences, il faudra découvrir par la pensée des principes tels qu’ils soient très simples et très faciles à connaître et que de ces principes nous démontrions que les astres, la terre et tout enfin ce que nous découvrons dans le monde visible auraient pu provenir comme de semences encore que nous sachions bien d’ailleurs qu’ils n’en sont pas provenus. Car de cette façon nous exposerons leur nature beaucoup mieux que si nous les décrivions seulement tels qu’ils sont.

Je dis que nous cherchons des principes simples et faciles à connaître ; à moins qu’ils ne soient tels en effet, nous n’en aurons que faire ; puisque, cela est clair, nous ne supposons de semences des choses pour aucune autre raison, sinon pour que la nature des choses nous soit connue, et que nous nous élevions, à la manière des Mathématiciens, des plus claires à celles qui sont plus obscures et des plus simples à celles qui sont plus complexes.

Nous disons ensuite que nous cherchons des principes tels que nous démontrions que les Astres et la Terre, etc., auraient pu en provenir. Nous ne cherchons pas en effet, comme il arrive aux Astronomes, des causes qui suffisent seulement pour expliquer les Phénomènes du ciel, mais telles qu’elles nous conduisent à la connaissance des choses qui sont sur la terre (attendu que nous estimons devoir ranger au nombre des Phénomènes de la Nature tout ce que nous observons qui advient à la surface de la terre). Pour trouver de tels principes, il faut observer qu’une bonne Hypothèse doit :

I. N’impliquer aucune contradiction (quand on la considère en elle-même seulement) ;

II. Être la plus simple qu’il puisse y avoir ;

III. Être la plus facile à entendre, ce qui est la suite de la deuxième condition ;

IV. Rendre possible la déduction de tout ce qui s’observe dans la Nature entière.

Nous avons dit enfin qu’il nous était permis de prendre une Hypothèse d’où nous puissions déduire comme des effets les Phénomènes de la Nature ; bien que sachant d’ailleurs qu’ils n’en sont point provenus. Pour le faire entendre j’userai de cet exemple. Si l’on trouve tracée sur le papier la ligne courbe appelée Parabole et qu’on veuille en rechercher la nature, il revient au même qu’on suppose cette ligne produite d’abord par la section d’un cône et imprimée ensuite sur le papier, ou tracée par le mouvement de deux lignes droites, ou produite de quelque autre manière ; pourvu que de ce qu’on suppose on puisse déduire toutes les Propriétés de la Parabole. Bien mieux, si même on sait qu’elle provient de l’impression sur le papier de la section d’un cône on pourra néanmoins supposer à volonté une autre cause paraissant le plus commode pour expliquer toutes les Propriétés de la Parabole. De même aussi, pour expliquer les lignes de la Nature, il est permis de prendre une hypothèse à volonté pourvu qu’on en déduise par conséquences mathématiques tous les Phénomènes de la Nature. Et ce qui est fort digne d’être noté, nous n’en pourrons guère prendre aucune d’où les mêmes effets ne puissent être déduits, bien que plus laborieusement peut-être, par les Lois de la Nature précédemment expliquées. Comme par le moyen de ces Lois, en effet, la matière doit prendre nécessairement toutes les formes qu’elle peut recevoir, si nous les considérons dans l’ordre, nous pourrons arriver enfin à la forme qui est celle du monde présent ; nous n’avons ainsi à craindre aucune erreur d’une hypothèse fausse.


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