TRE - 56

  • 16 septembre 2005


Nous avons maintenant à considérer les cas où l’on dit communément qu’il y a fiction, bien que nous sachions clairement que la chose n’est pas comme nous la forgeons. Par exemple, bien que sachant que la terre est ronde, rien ne m’empêche de dire à quelqu’un qu’elle est un hémisphère, telle une demi-orange sur un plat, ou que le soleil se meut autour de la terre et, autres choses semblables. Si nous considérons ces cas avec attention, nous n’y verrons rien qui ne s’accorde avec nos paroles de tout à l’heure ; il faut observer seulement d’abord qu’il y a eu à un certain moment possibilité de nous tromper et que maintenant nous avons conscience de nos erreurs ; ensuite que nous pouvons forger ou au moins admettre l’idée que d’autres hommes sont dans la même erreur ou sont capables d’y tomber, comme nous l’avons été précédemment. Nous pouvons, dis-je, forger cette idée aussi longtemps que nous ne voyons pas d’impossibilité ni de nécessité. Quand donc je dis à quelqu’un que la terre n’est pas ronde, etc., je ne fais pas autre chose que de rappeler à mon souvenir l’erreur que j’ai commise peut-être, ou dans laquelle je pouvais tomber, et ensuite je forge ou j’admets l’idée que celui à qui je parle est encore dans l’erreur ou peut y tomber. Je forge cette idée comme je l’ai dit, aussi longtemps que je ne vois pas d’impossibilité ni de nécessité ; si, en revanche. mon entendement avait perçu l’une ou l’autre, je n’aurais plus rien pu forger, et il aurait fallu dire seulement que j’avais fait une certaine tentative.


Veniunt iam hic ea consideranda, quae vulgo dicuntur fingi, quamvis clare intelligamus, rem ita sese non habere, uti eam fingimus. Ex. gr. quamvis sciam terram esse rotundam, nihil tamen vetat, quominus alicui dicam terram medium globum esse et tamquam medium pomum auriacum in scutella, aut solem circum terram moveri, et similia. Ad haec si attendamus, nihil videbimus, quod non cohaereat cum iam dictis, modo prius advertamus, nos aliquando potuisse errare, et iam errorum nostrorum esse conscios ; deinde quod possumus fingere, aut ad minimum putare, alios homines in eodem esse errore, aut in eum, ut nos antehac, posse incidere. Hoc, inquam, fingere possumus, quamdiu nullam videmus impossibilitatem nullamque necessitatem. Quando itaque alicui dico, terram non esse rotundam etc., nihil aliud ago, quam in memoriam revoco errorem, quem forte habui aut in quem labi potui, et postea fingo aut puto eum, cui hoc dico, adhuc esse aut posse labi in eundem errorem. Quod, ut dixi, fingo, quamdiu nullam video impossibilitatem nullamque necessitatem ; hanc vero si intellexissem, nihil prorsus fingere potuissem, et tantum dicendum fuisset, me aliquid operatum esse.