TTP - chap. XII - §§10-12 : L’Écriture n’a pas pu être corrompue.

  • 29 avril 2006


[10] Nous avons ainsi montré que l’Écriture est appelée proprement la Parole de Dieu eu égard seulement à la Religion, c’est-à-dire à la Loi divine universelle. Il reste à montrer maintenant qu’elle n’est jamais menteuse, falsifiée, ni tronquée, en tant qu’elle mérite ce nom. Je fais observer que j’appelle ici menteur, falsifié et tronqué un texte si mal écrit et composé que le sens n’en puisse être découvert en ayant égard à l’usage de la langue ou tiré de la seule Écriture, je ne veux du tout affirmer que l’Écriture, en tant qu’elle contient la Loi Divine, a toujours les mêmes points, les mêmes lettres et enfin les mêmes mots (je laisse aux Massorètes et à ceux qui ont une adoration superstitieuse de la lettre le soin de démontrer cela), mais seulement que le sens, au seul égard duquel un texte peut être appelé divin, nous est parvenu sans corruption bien que les mots ayant d’abord servi à l’exprimer aient pu avoir été changés plusieurs fois. Par là en effet la divinité de l’Écriture n’est en rien diminuée, car, écrite avec d’autres mots et dans une autre langue, elle serait pareillement divine. En ce sens donc la loi nous est parvenue sans corruption, personne n’en peut douter ; car, par l’Écriture même, sans aucune difficulté ni ambiguïté, nous percevons que la loi se résume dans ce précepte : aimer Dieu par-dessus tout et son prochain comme soi-même. Cela, nous en sommes bien certains, ne peut être l’effet d’une falsification, cela n’a pas été écrit par une plume trop hâtive et coupable d’erreurs ; si l’Écriture a jamais donné un enseignement différent, son enseignement devrait être différent aussi sur tous les autres points, puisque c’est là le fondement de toute la Religion et que si on le supprime, tout l’édifice s’effondre d’un seul coup ; en conséquence une Écriture qui n’enseignerait pas cela ne serait plus la même, elle serait un livre entièrement différent. Nous demeurons donc certains d’une certitude inébranlable que tel a toujours été l’enseignement de l’Écriture, qu’à cet égard nulle erreur accidentelle n’a pu en corrompre le sens qu’elle n’ait été perçue incontinent par un chacun, que nul n’a pu falsifier cet enseignement que sa malice n’éclatât aux yeux aussitôt.

[11] Puis donc qu’il faut admettre que ce fondement n’a pas été corrompu, on devra juger de même de toutes les conséquences qu’il entraîne sans controverse possible et qui ont le même caractère fondamental : que Dieu existe, que sa providence est universelle, qu’il est tout-puissant, que par son décret l’homme pieux est un bienheureux et le méchant un malheureux, que notre salut dépend de sa grâce seule. Tout cela, l’Écriture l’enseigne partout clairement et a toujours dû l’enseigner, car autrement tout le reste serait vain et sans fondement ; et non moins exemptes de corruption sont les autres vérités morales, car elles suivent très évidemment de ce fondement universel ainsi maintenir la justice, venir en aide à l’indigent, ne pas tuer, ne pas convoiter le bien d’autrui, etc. De ces vérités, dis-je, la malice des hommes n’a pu falsifier, ni le temps effacer la moindre part. Si elles avaient souffert une destruction partielle, leur fondement universel n’eût pas manqué de les rétablir aussitôt dans leur intégrité, tout particulièrement l’enseignement de la charité que l’un et l’autre Testaments recommandent partout comme étant le plus important. Ajoutons que, s’il est vrai qu’on ne peut imaginer de crime abominable qui n’ait été commis, personne cependant, pour excuser ses crimes, ne tente de détruire les lois, ou de présenter une maxime impie comme un enseignement éternel et utile au salut ; telle en effet se montre la nature de l’homme ; si quelqu’un (roi ou sujet) a commis une vilaine action, il tâche à la parer de circonstances telles qu’on puisse le croire innocent de toute faute contre la justice et l’honneur.


[12] Nous concluons donc absolument que toute la Loi Divine universelle enseignée par l’Écriture nous est parvenue exempte de toute corruption. Il y a en outre quelques autres points dont nous ne pouvons douter parce que nous avons à leur égard une tradition digne de créance : ainsi l’essentiel des Récits de l’Écriture parce qu’il s’agit de faits d’une notoriété bien établie pour tous. Le vulgaire avait accoutumé chez les Juifs de rappeler jadis, en chantant des Psaumes, les événements de l’histoire nationale. L’essentiel aussi des actes du Christ et sa passion furent aussitôt connus du vulgaire par tout l’Empire romain. A moins de supposer une entente de la majeure partie du genre humain, ce qui est peu croyable, on ne peut donc du tout penser que la postérité ait transmis l’essentiel de ces histoires autrement qu’elle ne l’avait reçu. Les altérations et les mensonges n’ont donc pu se produire que dans le reste, je veux dire dans telle ou telle circonstance du Récit ou de la Prophétie, jugée propre à exciter le peuple à la dévotion ; dans tel miracle ou tel autre, pour causer du tourment aux philosophes ; ou enfin dans les matières d’ordre spéculatif, quand les schismatiques les eurent introduites dans la Religion pour que chacun pût ainsi abriter ses inventions sous l’autorité divine. Mais il importe peu au salut que des choses de cette sorte soient falsifiées ou ne le soient pas ; je vais le montrer expressément dans le chapitre suivant, bien que je croie l’avoir déjà établi dans ce qui précède et en particulier dans le chapitre II.


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