Traité politique, IX, §04

  • 15 mai 2005


Voici sur quelles considérations il faut s’appuyer pour décider droitement, selon la nature et la condition de l’État aristocratique, comment il faut procéder en cette matière et en quelle manière les Assemblées et les Conseils devront être institués : une ville a un droit supérieur à celui d’un particulier dans la mesure où elle a plus de puissance que lui (par le § 4 du chapitre II) et en conséquence chacune des villes de l’État (voir le § 2 de ce chapitre) renfermera dans son enceinte, ou dans les limites de sa juridiction, autant de droit qu’elle a de pouvoir. En second lieu il ne s’agit pas de villes simplement liées par un traité, mais de villes unies et associées formant un seul État, sous cette condition toutefois que chacune d’elles ait, dans la mesure où elle est plus puissante, plus de droit dans l’État ; car vouloir établir l’égalité entre les inégaux, c’est absurde. Les citoyens peuvent être égaux, parce que la puissance de chacun comparée à celle de tout l’État ne mérite pas considération. Mais la puissance de chacune des villes forme une partie de la puissance de l’État entier, et une partie d’autant plus grande que cette ville est plus importante. On ne peut considérer les villes comme égales, mais il faut évaluer le droit de chacune d’après sa puissance et sa grandeur. Les liens, d’autre part, qui doivent les lier pour qu’elles constituent un même État, sont en premier lieu le Sénat et la cour de justice (par le § 1 du chapitre IV). Je vais montrer ici brièvement comment toutes les villes doivent être liées tout en restant autonomes autant qu’il se peut.


Traduction Saisset :

Pour résoudre cette difficulté et fonder l’organisation des Assemblées dans un tel gouvernement sur sa nature même et sa condition, il faut remarquer que chaque ville doit avoir un droit supérieur au droit d’un simple particulier, d’autant qu’elle est plus puissante qu’un simple particulier (par l’article 4, chapitre 2) ; par conséquent, chaque ville (voir l’article 2 du présent chapitre) a dans l’intérieur de ses murailles et dans les limites de sa juridiction autant de droit qu’elle en peut exercer. En second lieu, toutes les villes ensemble ne doivent pas former seulement une confédération, mais une association et une union réciproques qui ne fassent d’elles qu’un seul gouvernement, de telle sorte cependant que chaque ville ait d’autant plus de droit dans l’État qu’elle est plus puissante que les autres. Car chercher l’égalité entre des éléments inégaux, c’est chercher l’absurde. Les citoyens peuvent à bon droit être jugés égaux, parce que le pouvoir de chacun d’eux, comparé au pouvoir de l’État, cesse d’être considérable ; mais il n’en est pas de même des villes. La puissance de chacune d’elles constitue une partie notable de la puissance de l’État lui-même, partie d’autant plus grande que la ville elle-même a plus d’importance. Les villes ne peuvent donc pas être tenues pour égales. Le droit de chacune, comme sa puissance, doit être mesuré à sa grandeur. Quant aux moyens de les unir et de faire d’elles un seul État, j’en signalerai deux principaux, un Sénat et une Magistrature(par l’article 1 du chapitre 4). Or, comment de tels liens uniront-ils les villes entre elles, sans ôter à chacune le pouvoir d’exercer son droit autant que possible ? C’est ce que je vais montrer en peu de mots.


Verum ut recte, quid in hac re fieri oporteat, et qua ratione huius imperii concilia instituenda sint, ex ipsius natura et conditione concludere possimus, haec consideranda sunt, nempe quod unaquaeque urbs tanto plus iuris, quam vir privatus habeat, quanto viro privato potentior est (per art. 4. cap. 2.) ; et consequenter unaquaeque huius imperii urbs (vide art. 2. huius cap.) tantum iuris intra moenia seu suae iurisdictionis limites habeat, quantum potest. Deinde quod omnes urbes non ut confoederatae, sed ut unum imperium constituentes invicem sociatae et unitae sint ; sed ita, ut unaquaeque urbs tanto plus iuris in imperium, quam reliquae obtineat, quanto reliquis est potentior. Nam qui inter inaequales aequalitatem quaerit, absurdum quid quaerit. Cives quidem aequales merito aestimantur, quia uniuscuiusque potentia cum potentia totius imperii comparata nullius est considerationis. At urbis cuiuscumque potentia magnam partem potentiae ipsius imperii constituit, et eo maiorem quo ipsa urbs maior est. Ac proinde omnes urbes aequales haberi nequeunt. Sed ut uniuscuiusque potentia, ita etiam eiusdem ius ex ipsius magnitudine aestimari debet. Vincula vero, quibus adstringi debent, ut unum imperium componant, apprime sunt (per art. 1. cap. 4.) senatus et forum. Quomodo autem eae omnes his vinculis ita copulandae sunt, ut earum tamen unaquaeque sui iuris, quantum fieri potest, maneat, breviter hic ostendam.

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