Traité politique, VIII, §07

  • 4 mai 2005


Dans la détermination donc des principes fondamentaux d’un État aristocratique, il faut observer en premier lieu qu’ils reposent sur la seule volonté et la seule puissance de cette assemblée suprême, dans des conditions telles que cette assemblée soit, autant qu’il est possible, sa propre maîtresse et n’ait rien à redouter de la masse. Pour parvenir à les déterminer, voyons donc quels sont les principes de paix qui s’appliquent à un État monarchique seulement et sont étrangers à l’aristocratie. Si en effet à ces principes propres à la monarchie, nous en substituons qui soient égaux en solidité et conviennent à l’aristocratie, et que nous laissions subsister les autres dispositions précédemment exposées, toutes causes de sédition se trouvent incontestablement écartées, et l’État aristocratique n’offrira pas moins de sécurité que le monarchique, il en offrira davantage au contraire et sa condition sera meilleure dans la mesure où il se rapprochera plus que le monarchique de l’État absolu, sans dommage pour la paix et la liberté (voir les §§ 3 et 6 de ce chapitre). Plus grand en effet est le droit du souverain, plus la forme de l’État s’accorde avec l’enseignement de la raison (par le § 5 du chapitre III), et conséquemment, plus il se prête au maintien de la paix et de la liberté. Reprenons donc les principes exposés dans le chapitre VI § 9 à 12, pour écarter ce qui ne s’applique pas à l’aristocratie, et voyons ce qui lui convient.


Traduction Saisset :

Ainsi donc le point capital dans l’établissement des bases du gouvernement aristocratique, c’est qu’il faut l’appuyer sur la seule volonté et la seule puissance de l’Assemblée suprême, de telle sorte que cette Assemblée s’appartienne, autant que possible, à elle-même et n’ait aucun péril à redouter de la multitude. Essayons d’atteindre ce but, et, pour cela, rappelons quelles sont dans le gouvernement monarchique les conditions de la paix de l’État, conditions qui sont propres à la monarchie et par conséquent étrangères au gouvernement aristocratique. Si nous parvenons à y substituer des conditions équivalentes, convenables à l’aristocratie, toutes les causes de sédition seront supprimées, et nous aurons un gouvernement où la sécurité ne sera pas moindre que dans le gouvernement monarchique. Elle y sera même d’autant plus grande et la condition générale de l’État sera d’autant meilleure que l’aristocratie est plus près que la monarchie du gouvernement absolu, et cela sans dommage pour la paix et la liberté (voyez les articles 3 et 6 du présent chapitre). Plus est grand, en effet, le droit du souverain pouvoir, plus la forme de l’État s’accorde avec les données de la raison (par l’article 5 du chapitre III), et plus par conséquent elle est propre à conserver la paix et la liberté. Parcourons donc les questions traitées au chapitre VI, article 9, afin de rejeter toutes les institutions inconciliables avec l’aristocratie et de recueillir celles qui lui conviennent.


In determinandis igitur imperii aristocratici fundamentis apprime observamdum est, ut eadem sola voluntate et potentia supremi eiusdem concilii nitantur, ita ut ipsum concilium, quantum fieri potest, sui iuris sit, nullumque a multitudine periculum habeat. Ad haec fundamenta, quae scilicet sola supremi concilii voluntate et potentia nitantur, determimandum, fundamenta pacis, quae imperii monarchici propria et ab hoc imperio aliena sunt, videamus. Nam si his alia aequipollentia fundamenta imperio aristocratico idonea substituerimus, et reliqua, ut iam iacta sunt, reliquerimus, omnes absque dubio seditiomum causae sublatae erunt, vel saltem hoc imperium non minus securum, quam monarchicum, sed contra eo magis securum, et ipsius conditio eo melior erit, quo magis quam monarchicum absque pacis, et libertatis detrimento (vid. art. 3. et 6. huius cap.) ad absolutum accedit. Nam quo ius summae potestatis maius est, eo imperii forma cum rationis dictamine magis convenit (per art. 5. cap. 3.), et consequenter paci et libertati conservandae aptior est. Percurramus igitur, quae cap. 6. art. 9. diximus, ut illa, quae ab hoc aliena sunt, reiiciamus, et quae ei congrua sunt, videamus.

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