Traité politique, VIII, §35

  • 13 mai 2005


Je ne puis déterminer avec précision le nombre de ces élus. Ce qui est certain c’est qu’ils doivent être assez nombreux pour ne pas être facilement corrompus ; bien qu’en effet ils ne prennent seuls aucune décision, ils peuvent cependant entraîner le Sénat ou, ce qui serait pire, le tromper en lui soumettant des questions sans aucune importance et en se taisant sur les plus graves, pour ne rien dire du retard dont auraient à souffrit les affaires publiques par l’absence de l’un ou de deux d’entre eux s’ils étaient très peu nombreux. Puisque ces conseils sont créés tout au contraire parce que les grands conseils ne peuvent pas s’occuper tous les jours des affaires publiques, il faut nécessairement chercher un moyen et compenser la petitesse du nombre par la brièveté du mandat. Si donc une trentaine environ de membres du Conseil sont nommés pour deux ou trois mois, ils seront trop nombreux pour pouvoir en si peu de temps se laisser corrompre. Pour cette raison je veux que leurs successeurs soient désignés seulement au moment où ceux qui étaient en exercice se retirent.


Traduction Saisset :

Quant à leur nombre, je ne peux pas le déterminer avec autant de soin. Il est certain pourtant qu’ils doivent être assez nombreux pour qu’il soit difficile de les corrompre. Car bien qu’ils ne décident rien à eux seuls touchant la chose publique, ils peuvent cependant traîner en longueur les délibérations du Sénat, et même, ce qui serait pis, le tromper en lui proposant des affaires de peu d’importance et en gardant le silence sur celles d’un grand intérêt. Ajoutez que s’ils étaient en trop petit nombre, la seule absence d’un ou de deux d’entre eux pourrait laisser en retard les affaires de l’État. Ces conseils n’étant institués qu’à cause que les grandes assemblées ne peuvent s’occuper chaque jour des intérêts publics, il faut ici trouver un moyen de résoudre la difficulté et suppléer au défaut du nombre par la rapidité du temps. On élira donc trente membres ou environ pour deux ou trois mois seulement, et dès lors ils seront assez nombreux pour ne pouvoir, dans ce court espace de temps, être accessibles à la corruption. C’est aussi pourquoi j’ai averti que les consuls qu’on élira pour remplacer ceux qui auront fait leur temps, ne devront être élus qu’au moment même où ils prendront la place des précédents.


Horum autem numerum determinare non ita accurate possum. At tamen hoc certum est, plures esse debere, quam ut facile corrumpi possint. Nam, tametsi de republica nihil soli decernant, possunt tamen senatum protrahere, vel quod pessimum esset, ipsum deludere proponendo illa, quae nullius, et illa reticendo, quae maioris momenti essent ; ut iam taceam, quod si nimis pauci essent, sola unius aut alterius absentia moram publicis negotiis adferre posset. Sed quoniam contra hi consules ideo creantur, quia magna concilia publicis negotiis quotidie vacare nequeunt, medium necessario hic quaerendum est ; et defectus numeri temporis brevitate supplendus. Atque adeo si modo triginta aut circiter in duos aut tres menses eligantur, plures erunt, quam ut hoc brevi tempore corrumpi possint, et hac de causa etiam monui, ut ii, qui in eorum locum succedunt, nullo modo eligendi sint, nisi eo tempore, quo ipsi succedunt et alii discedunt.

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