EIII - Proposition 17 - scolie

  • 6 mai 2004

Cet état de l’Âme, qui naît de deux affections contraires, s’appelle Fluctuation de l’Âme ; il est à l’égard de l’affection ce que le doute est à l’égard de l’imagination (voir Scolie de la Prop. 44, p. II), et il n’y a de différence entre la Fluctuation de l’Âme et le doute que du plus au moins. Il faut noter seulement que, si j’ai dans la Proposition précédente déduit les fluctuations de l’âme de causes qui produisent l’une des deux affections par elles-mêmes, l’autre par accident, je l’ai fait parce que les Propositions précédentes rendaient ainsi la déduction plus aisée ; mais je ne nie pas que les fluctuations de l’âme ne naissent le plus souvent d’un objet qui est cause efficiente de l’une et l’autre affections. Le Corps humain en effet est composé (Post. 1, p. II) d’un très grand nombre d’individus de nature différente, et, par suite (voir l’Ax. 1 venant après le [Lemme 3343] qui suit la Prop. 13, p. II), il peut être affecté par un seul et même corps de manières très nombreuses et diverses ; d’autre part, comme une seule et même chose peut-être affectée de beaucoup de manières, elle pourra aussi affecter une seule et même partie du Corps de manières multiples et diverses. Par où nous pouvons facilement concevoir qu’un seul et même objet peut être cause d’affections multiples et contraires. [*]


Hæc mentis constitutio quæ scilicet ex duobus contrariis affectibus oritur, animi vocatur fluctuatio, quæ proinde affectum respicit ut dubitatio imaginationem (vide scholium propositionis 44 partis II) nec animi fluctuatio et dubitatio inter se differunt nisi secundum majus et minus. Sed notandum me in propositione præcedenti has animi fluctuationes ex causis deduxisse quæ per se unius et per accidens alterius affectus sunt causa ; quod ideo feci quia sic facilius ex præcedentibus deduci poterant ; at non quod negem animi fluctuationes plerumque oriri ab objecto quod utriusque affectus sit efficiens causa. Nam corpus humanum (per postulatum 1 partis II) ex plurimis diversæ naturæ individuis componitur atque adeo (per axioma 1 post lemma 3, quod vide post propositionem 13 partis II) ab uno eodemque corpore plurimis diversisque modis potest affici et contra quia una eademque res multis modis potest affici, multis ergo etiam diversisque modis unam eandemque corporis partem afficere poterit. Ex quibus facile concipere possumus unum idemque objectum posse esse causam multorum contrariorumque affectuum.


[*(Saisset :) Cet état de l’âme, né de deux passions contraires, c’est ce qu’on nomme fluctuation ; elle est à la passion ce que le doute est à l’imagination (voyez le Scol. de la Propos. 44, partie 2), et de la fluctuation au doute il n’y a de différence que du plus au moins. Mais il faut remarquer ici que dans la proposition précédente j’ai déduit ces fluctuations de deux causes, l’une qui opère par elle-même, et l’autre par accident ; or, si j’ai procédé de la sorte, c’est seulement pour faciliter ma déduction ; ce n’est point du tout que je veuille nier que ces fluctuations n’aient pour la plupart leur origine dans un objet qui est à la fois cause efficiente de deux affections contraires. Le corps humain, en effet (par le Post. 1, partie 2), se compose de plusieurs individus de nature diverse, et conséquemment (par l’Axiome 1, posé après le Lem. 3, qu’on peut voir après la Propos. 13, partie 2) peut être affecté par un seul et même corps étranger de plusieurs façons différentes ; et d’un autre côté, comme une seule et même chose peut être affectée d’un grand nombre de façons, elle pourra donc affecter d’un grand nombre de façons différentes une seule et même partie du corps. Par où il est aisé de concevoir qu’un seul et même objet puisse être la cause d’un grand nombre d’affections contraires.

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