EV - Proposition 6 - scolie

  • 3 juillet 2004

Plus cette connaissance, que les choses sont nécessaires, a trait à des choses singulières et plus ces dernières sont imaginées distinctement et vivement, plus grande est la puissance de l’Âme sur les affections ; l’expérience elle-même l’atteste. Nous voyons en effet la Tristesse causée par la perte d’un bien adoucie sitôt que le perdant considère que ce bien ne pouvait être conservé par aucun moyen. De même, nous voyons que personne ne prend un enfant en commisération parce qu’il ne sait pas parler, marcher, raisonner et vit tant d’années presque sans conscience de lui-même. Si, au contraire, la plupart naissaient adultes, et que tel ou tel naquît enfant, alors chacun prendrait les enfants en commisération parce qu’alors on considérerait l’enfance non comme une chose naturelle et nécessaire, mais comme un vice ou un péché de la Nature, et nous pourrions faire plusieurs observations de cette sorte. [*]


Quo hæc cognitio quod scilicet res necessariæ sint, magis circa res singulares quas distinctius et magis vivide imaginamur, versatur, eo hæc mentis in affectus potentia major est, quod ipsa etiam experientia testatur. Videmus enim tristitiam boni alicujus quod periit mitigari simulac homo qui id perdidit, considerat bonum illud servari nulla ratione potuisse. Sic etiam videmus quod nemo miseretur infantis propterea quod nescit loqui, ambulare, ratiocinari et quod denique tot annos quasi sui inscius vivat. At si plerique adulti et unus aut alter infans nascerentur, tum unumquemque misereret infantum quia tum ipsam infantiam non ut rem naturalem et necessariam sed ut naturæ vitium seu peccatum consideraret et ad hunc modum plura alia notare possemus.


[*(Saisset :) A mesure que cette connaissance que nous avons de la nécessité des choses s’applique davantage à ces objets particuliers que nous imaginons de la façon la plus distincte et la plus vraie, la puissance de l’âme sur ses passions prend de l’accroissement ; c’est une loi confirmée par l’expérience. Nous voyons en effet que la tristesse qu’un bien perdu nous fait éprouver s’adoucit aussitôt que l’on vient à considérer qu’il n’y avait aucun moyen de conserver ce qui nous a été ravi. De même, on remarquera que personne ne plaint un enfant de ne savoir point encore parler, marcher, raisonner, ou enfin de passer tant d’années dans une sorte d’ignorance de lui-même. Mais s’il arrivait que la plupart des hommes naquissent adultes, et qu’un ou deux seulement vinssent à naître enfants, chacun alors prendrait pitié de leur condition, parce que chacun cesserait de considérer l’enfance comme une chose naturelle et nécessaire, et n’y verrait plus qu’un vice ou un écart de la nature. Je pourrais joindre à ces faits une foule d’autres faits semblables.

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