Traité politique, III, §05

  • 30 décembre 2004


Nous voyons donc que chaque citoyen relève non de lui-même, mais de la Cité aux injonctions de laquelle il est tenu d’obéir et que nul n’a le droit de décider ce qui est juste, ce qui est injuste, ce qui est moral ou immoral, mais au contraire, puisque le corps de l’État doit être conduit en quelque sorte par une seule pensée et qu’en conséquence la volonté de la Cité doit être tenue la volonté de tous [1], c’est ce que la Cité décrète qui est juste et bon, que chacun doit aussi décréter tel. Si donc le sujet juge iniques les décrets de la Cité, il est néanmoins tenu de s’y soumettre.


Traduction Saisset :

Nous voyons donc que chaque citoyen, loin d’être son maître, relève de l’État, dont il est obligé d’exécuter tous les ordres, et qu’il n’a aucun droit de décider ce qui est juste ou injuste, pieux ou impie ; mais au contraire le corps de l’État devant agir comme par une seule âme, et en conséquence la volonté de l’État devant être tenue pour la volonté de tous, ce que l’État déclare juste et bon on le doit considérer comme déclaré tel par chacun. D’où il suit qu’alors même qu’un sujet estimerait iniques les décrets de l’État, il n’en serait pas moins tenu de les exécuter.


Videmus itaque, unumquemque civem non sui, sed civitatis iuris esse, cuius omnia mandata tenetur exsequi, nec ullum habere ius decernendi, quid aequum, quid iniquum, quid pium, quidve impium sit ; sed contra, quia imperii corpus una veluti mente duci debet, et consequenter civitatis voluntas pro omnium voluntate habenda est, id quod civitas iustum et bonum esse decernit, tamquam ab unoquoque decretum esse censendum est ; atque adeo, quamvis subditus civitatis decreta iniqua esse censeat, tenetur nihilominus eadem exsequi.

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