EIII - Définitions des affects - 03

  • 20 mai 2004

La Tristesse est le passage de l’homme d’une plus grande à une moindre perfection.

EXPLICATION

Je dis passage. Car la Joie n’est pas la perfection elle-même. Si en effet l’homme naissait avec la perfection à laquelle il passe, il la posséderait sans affection de Joie ; cela se voit plus clairement dans l’affection de la Tristesse qui lui est opposée. Que la Tristesse en effet consiste dans un passage à une perfection moindre et non dans la perfection moindre elle-même, nul ne peut le nier, puisque l’homme ne peut être contristé en tant qu’il a part à quelque perfection. Et nous ne pouvons pas dire que la Tristesse consiste dans la privation d’une perfection plus grande, car une privation n’est rien. L’affection de Tristesse est un acte et cet acte ne peut, en conséquence, être autre chose que celui par lequel on passe à une perfection moindre, c’est-à-dire l’acte par lequel est diminuée ou réduite la puissance d’agir de l’homme (voir Scolie de la Prop. 11). J’omets, en outre, les définitions de la Gaieté, du Chatouillement, de la Mélancolie et de la Douleur, parce que ces affections se rapportent éminemment au Corps et ne sont que des espèces de Joie ou de Tristesse. [*]


Tristitia est hominis transitio a majore ad minorem perfectionem.

EXPLICATIO :

Dico transitionem. Nam lætitia non est ipsa perfectio. Si enim homo cum perfectione ad quam transit nasceretur, ejusdem absque lætitiæ affectu compos esset ; quod clarius apparet ex tristitiæ affectu qui huic est contrarius. Nam quod tristitia in transitione ad minorem perfectionem consistit, non autem in ipsa minore perfectione, nemo negare potest quandoquidem homo eatenus contristari nequit quatenus alicujus perfectionis est particeps. Nec dicere possumus quod tristitia in privatione majoris perfectionis consistat nam privatio nihil est ; tristitiæ autem affectus actus est qui propterea nullus alius esse potest quam actus transeundi ad minorem perfectionem hoc est actus quo hominis agendi potentia minuitur vel coercetur (vide scholium propositionis 11 hujus). Cæterum definitiones hilaritatis, titillationis, melancholiæ et doloris omitto quia ad corpus potissimum referuntur et non nisi lætitiæ aut tristitiæ sunt species.


[*(Saisset :) La tristesse est le passage d’une perfection plus grande à une moindre perfection. Explication Je dis que la joie est un passage à la perfection. En effet, elle n’est pas la perfection elle-même. Si l’homme, en effet, naissait avec cette perfection où il passe par la joie, il ne ressentirait aucune joie à la posséder ; et c’est ce qui est plus clair encore pour l’affection opposée, la tristesse. Car personne ne peut nier que la tristesse ne consiste dans le passage à une moindre perfection, et non dans cette perfection elle-même, puisqu’il est visiblement impossible que l’homme, de ce qu’il participe à une certaine perfection, en ressente de la tristesse. Et nous ne pouvons pas dire que la tristesse consiste dans la privation d’une perfection plus grande ; car une privation, ce n’est rien. Or, la passion de la tristesse étant une chose actuelle ne peut donc être que le passage actuel à une moindre perfection, en d’autres termes, un acte par lequel la puissance d’agir de l’homme est diminuée ou empêchée (voir le Scol. de la Propos. 11). Du reste, j’omets ici les définitions de l’hilarité, du chatouillement, de la mélancolie et de la douleur, parce qu’elles se rapportent principalement au corps et ne sont que des espèces de joie et de tristesse.

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