TRE - 83

  • 26 septembre 2005


Que sera donc la mémoire ? Rien d’autre que la sensation des empreintes qui sont dans le cerveau, jointe à une pensée relative à une durée [1] déterminée de cette sensation, comme le montre la réminiscence. Dans la réminiscence, en effet, l’âme a la pensée de cette sensation, mais non sous la forme d’une durée continue ; et ainsi l’idée de la sensation n’est pas la durée même de la sensation, c’est-à-dire qu’elle n’en est pas proprement la mémoire. Quant à savoir si les idées elles-mêmes sont sujettes à quelque corruption, nous le verrons dans la Philosophie. Et, si quelqu’un trouvait cela très absurde, il suffit pour notre dessein de considérer que plus une chose est singulière, plus aisément on la retient, comme il appert de l’exemple ci-dessus donné de la comédie. En outre, plus une chose est connaissable, plus aisément on la retient. D’où suit que nous ne pourrons ne pas retenir une chose singulière au plus haut point, pour peu qu’elle soit connaissable.


Quid ergo erit memoria ? Nihil aliud, quam sensatio impressionum cerebri simul cum cogitatione ad determinatam durationem [2] sensationis ; quod etiam ostendit reminiscentia. Nam ibi anima cogitat de illa sensatione ; sed non sub continua duratione ; et sic idea istius sensationis non est ipsa duratio sensationis, id est, ipsa memoria. An vero ideae ipsae aliquam patiantur corruptionem, videbimus in philosophia. Et si hoc alicui valde absurdum videatur, sufficiet ad nostrum propositum, ut cogitet, quod, quo res est singularior, eo facilius retineatur, sicut ex exemplo comoediae modo allato patet. Porro quo res intelligibilior, eo etiam facilius retinetur. Unde maxime singularem et tantummodo intelligibilem non poterimus non retinere.



[1Si la durée n’est pas déterminée, le souvenir gardé de la même chose est imparfait, comme chacun paraît l’avoir appris de la nature. Car souvent pour accroître la crédibilité d’un témoignage nous demandons où et quand s’est passé le fait rapporté. Et, bien que les idées aussi aient leur durée dans l’esprit, ayant accoutumé de déterminer la durée par la mesure d’un mouvement, opération qui se fait elle même à l’aide de l’imagination, nous n’observons jusqu’ici aucune mémoire appartenant à l’esprit pur.

[2Si vero duratio sit indeterminata, memoria eius rei est imperfecta, quod quisque etiam videtur a natura didicisse. Saepe enim, ut alicui melius credamus in eo, quod dicit, rogamus, quando et ubi id contigerit. Quamvis etiam ideae ipsae suam habeant durationem in mente, tamen cum assueti simus durationem determinare ope alicuius mensurae motus, quod etiam ope imaginationis fit, ideo nullam adhuc memoriam observamus, quae sit purae mentis. Sp.

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