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Galilée (1564-1642)
vendredi 11 avril 2025, par
Galilée, la naissance d’une étoile, épisode 1 :
Galilée (1564-1642)
Si, pour chasser de ce monde [la doctrine de Copernic], il suffisait de fermer la bouche à un seul homme [...], cela serait d’une extrême facilité : mais l’affaire en va tout autrement ; car, pour exécuter un tel dessein ? il ne suffirait pas d’interdire le livre de Copernic et les écrits des autres auteurs qui suivent sa théorie, mais il faudrait encore frapper d’interdit toute la science astronomique, et, en outre, empêcher les hommes de regarder vers le ciel [ ... ] .
Dans cette même lettre, Galilée expose l’idée que la science et la religion n’ont pas les mêmes fonctions, qu’elles ne doivent donc pas être mises « en concurrence » en ce qui concerne la connaissance des lois de la nature. Pour lui, seule la science, par le raisonnement et l’expérience, est apte à nous faire découvrir ces lois ; le rôle de la religion, au contraire, est uniquement moral et métaphysique.
Cela dit, il me semble que dans les disputes relatives aux problèmes de la nature, on devrait commencer par invoquer non pas l’autorité des Écritures, mais bien les expériences sensibles et les démonstrations nécessaires. [...]
En effet, que le même Dieu qui nous a dotés de sens, de raison et d’intelligence, ait voulu en négliger l’usage, pour nous donner par un autre moyen les enseignements que par eux nous pouvons obtenir [...], et que, de cette façon, nous soyons amenés à renier l’expérience et la raison, je ne pense pas qu’il faille l’admettre [... ] . Pour moi, je dirais ce que j’ai entendu d’une éminente personnalité ecclésiastique, à savoir que l’Esprit saint se propose de nous montrer comment on va au ciel, et non comment va le ciel [ ... ] .
GALILÉE, « Lettre à Christine de Lorraine » (1615),
cité dans É. Narrer, l Affaire Galilée,
Gallimard-Julliard, coll. « Archives », 1975, p. 107-108, 110-111.
« Il est paru à Florence un livre intitulé Dialogue des deux systèmes du monde de Ptolémée et de Copernic dans lequel tu défends l’opinion de Copernic. Par sentence, nous déclarons que toi, Galilée, t’es rendu fort suspect d’hérésie, pour avoir tenu cette fausse doctrine du mouvement de la Terre et repos du Soleil. Conséquemment, avec un cœur sincère, il faut que tu abjures et maudisses devant nous ces erreurs et ces hérésies contraires à l’Église. Et afin que ta grande faute ne demeure impunie, nous ordonnons que ce Dialogue soit interdit par édit public, et que tu sois emprisonné dans les prisons du Saint-office »
(Sentence rendue le 22 juin 1633 au couvent dominicain de Santa-Maria)
Je crois, en outre, déceler chez Sarsi la ferme conviction qu’en philosophie il est nécessaire de s’appuyer sur l’opinion d’un auteur célèbre et que notre pensée, si elle n’épouse pas le discours d’un autre, doit rester inféconde et stérile. Peut-être croit-il que la philosophie est l’œuvre de la fantaisie d’un homme, comme l’Iliade [... ], où la vérité de ce qui y est écrit est la chose la moins importante. Il n’en est pas ainsi, Signor Sarsi. La philosophie est écrite dans cet immense livre qui se tient toujours ouvert devant nos yeux, je veux dire l’Univers, mais on ne peut le comprendre si l’on ne s’applique d’abord à en comprendre la langue et à connaître les caractères avec lesquels il est écrit. Il est écrit dans la langue mathématique et ses caractères sont des triangles, des cercles et autres figures géométriques, sans le moyen desquelles il est humainement impossible d’en comprendre un mot. Sans eux, c’est une errance vaine dans un labyrinthe obscur.
Galilée, L’essayeur, dans Chauviré, L’essayeur de Galilée, p.141
SIMPLICIO [partisan de la thèse aristotélicienne selon laquelle la Terre est au centre de l’univers] : Il y a par ailleurs l’expérience si caractéristique de la pierre qu’on lance du haut d’un mât du navire : quand le navire est au repos, elle tombe au pied du mât ; quand le navire est en route, elle tombe à une distance égale à celle dont le navire a avancé pendant le temps de la chute de la pierre ; et cela fait un bon nombre de coudées quand la course du navire est rapide. (…)
SALVIATI [porte-parole de Galilée] :(...) Vous dites : quand le navire est à l’arrêt, la pierre tombe au pied du mât, et quand le navire est en mouvement, elle tombe loin du pied ; inversement donc, quand la pierre tombe au pied du mât, on en conclut que le navire est à l’arrêt, et quand elle tombe loin du mât, on en conclut que le navire est en mouvement ; comme ce qui arrive sur le navire doit également arriver sur la Terre, dès lors que la pierre tombe au pied de la tour, on en conclut nécessairement que le globe terrestre est immobile. (...) Avez-vous jamais fait l’expérience du navire ?
SIMPLICIO : Je ne l’ai pas faite mais je crois vraiment que les auteurs qui la présentent en ont soigneusement fait l’observation ; (…)
SALVIATI : ... et il trouvera en effet que l’expérience montre le contraire de ce qui est écrit : la pierre tombe au même endroit du navire, que celui-ci soit à l’arrêt ou avance à n’importe quelle vitesse.
SALVIATI : Enfermez-vous avec un ami dans la plus vaste cabine d’un grand navire et faites en sorte que s’y trouvent également des mouches, des papillons et d’autres petits animaux volants, qu’y soit disposé un grand récipient empli d’eau dans lequel on aura mis des petits poissons ; suspendez également à bonne hauteur un petit seau et disposez le de manière à ce que l’eau se déverse goutte à goutte dans un autre récipient à col étroit que vous aurez disposé en dessous ; puis alors que le navire est à l’arrêt, observez attentivement comment ces petits animaux volent avec des vitesses égales quel que soit l’endroit de la cabine vers lequel ils se dirigent ; (...) si vous lancez quelque objet à votre ami, vous ne devrez pas fournir un effort plus important selon que vous le lancerez dans telle ou telle direction, à condition que les distances soient égales ; et si vous sautez à pieds joints, comme on dit, vous franchirez des espaces semblables dans toutes les directions. (…)
Faites se déplacer le navire à une vitesse aussi grande que vous voudrez ; pourvu que le mouvement soit uniforme et ne fluctue pas de-ci de-là, vous n’observerez aucun changement dans les effets nommés, et aucun d’entre eux ne vous permettra de savoir si le navire avance ou bien s’il est arrêté : si vous sautez, vous franchirez sur le plancher les mêmes distances qu’auparavant et, si le navire se déplace, vous n’en ferez pas pour autant des sauts plus grands vers la poupe que vers la proue, bien que, pendant que vous êtes dans l’air, le plancher qui est en dessous ait glissé dans la direction opposée à celle de votre saut ; si vous jetiez quelque objet à votre ami, il ne faudra pas le lancer avec plus de force pour qu’il lui parvienne, que votre ami se trouve vers la proue et vous vers la poupe ou que ce soit le contraire ; (...) en fin les papillons et les mouches continueront à voler indifféremment dans toutes les directions. Et on ne les verra jamais s’accumuler du côté de la cloison qui fait face à la poupe, ce qui ne manquerait pas d’arriver s’ils devaient s’épuiser à suivre le navire dans sa course rapide.
La cause de la permanence de tous ces effets, c’est que le mouvement uniforme est commun au navire et à ce qu’il contient, y compris l’air... Le mouvement est mouvement et agit comme mouvement en tant et seulement qu’il est en rapport avec les choses qui en sont privées ; mais en ce qui concerne celles qui y participent toutes également, il est sans effet ; il est comme s’il n’était pas. Le mouvement est comme rien !
Galilée, Dialogue sur les deux grands systèmes du monde