« [...] La guerre est toute de religion. L’occasion d’admirer jette alors tous les hommes dans un bonheur enivrant qui les rend comme insensibles. Et le côté odieux, petit et laid de la chose, ils ne veulent point le voir. Ni les moyens d’effacer de notre monde humain ce barbare divertissement ; ils ne veulent point les voir ; ils s’irritent si on les leur montre ; c’est les priver de sublime et les rejeter à l’ennui. Ne nous trompons point ici, l’erreur serait de conséquence. Il est bien vrai que ceux qui aiment la guerre sont souvent petits, envieux, intrigants ; mais je crois qu’ils aiment la guerre justement parce qu’ils sont ennuyés et tristes d’être ce qu’ils sont. Si l’on comprenait mieux que la guerre est un spectacle, l’idée viendrait, qui est la bonne, de supprimer ce genre de plaisir, au nom de l’intérêt public et des bonnes mœurs, comme on a supprimé l’absinthe. »

Alain, Propos, 20 août 1921